Le Figaro Magazine

“UN TOURNAGE EST UNE CURE DE JOUVENCE CAR IL PERMET DE SE RÉGÉNÉRER”

- Propos recueillis par Clara Géliot

son approche et sa compréhens­ion des personnage­s étaient si singulière­s qu’il m’a tout de suite plu. Enfin, j’ai toujours voulu travailler avec John C. Reilly et je trouvais que nous confier des rôles de frères était hilarant. Ne serait-ce que physiqueme­nt.

Jacques Audiard faisait-il partie des cinéastes avec lesquels vous vouliez tourner ?

Pour être honnête, je ne connaissai­s pas très bien son oeuvre. Mais je dois dire qu’avant de m’engager auprès d’un metteur en scène, je préfère m’attacher à la façon dont il me présente son projet que me plonger dans sa filmograph­ie.

Que vous a-t-il dit sur « Les Frères Sisters » ?

Il avait une vision si précise de chaque personnage que je n’en revenais pas de connaître autant de détails sur chacun d’eux. Jacques perçoit les choses avec une telle minutie que cela en est presque énervant, voire intimidant : on a le sentiment qu’il voit à travers les gens. Mais c’était essentiel pour trouver un équilibre au ton de ce film car entre les séquences drôles, les moments perchés, les scènes sensibles et d’autres qui incitent à la réflexion, il fallait un vrai capitaine.

Lors de votre rencontre, vous lui avez dit : « Je ne suis pas un acteur profession­nel. » Qu’est-ce que cela signifie ?

Il me faut ouvrir des tiroirs et chercher parfois longtemps pour trouver des choses qui ne m’appartienn­ent pas toujours. Je ne suis pas comme ces acteurs capables d’entrer dans une colère noire en un claquement de doigts. Quand je vois que certains comédiens peuvent passer, en une lecture, d’un présentate­ur télé à un détective privé avec la même vérité, je suis jaloux : moi, j’ai souvent du mal avec mon propre personnage !

Vous avez la réputation de vous investir totalement dans chaque projet. Cela concerne-t-il votre rôle ou est-ce plus large ?

Lorsque je m’engage auprès d’un réalisateu­r, c’est que j’ai confiance en l’équipe qu’il aura formée autour de lui. Sur le plateau, je ne me laisse pas distraire par la technique : je ne regarde jamais les rushs, je me fiche de l’objectif qui est vissé sur la caméra et je ne veux même pas savoir si le gros plan est sur moi car ce genre d’informatio­ns n’a pas d’intérêt pour le type d’acteur que je suis.

Pensez-vous qu’un acteur de cinéma doit être cinéphile ? En ce qui me concerne, je trouve dangereux d’être trop influencé par les autres. Lorsque je joue, j’aime avoir le sentiment que je fais face à un problème qui n’a jamais été résolu auparavant ou à une émotion jamais ressentie. Si je sais que quelqu’un d’autre l’a déjà fait, il n’y a plus de mystère.

Comment vivez-vous les tournages ?

Pour moi, un tournage ressemble à une cure de jouvence. Développer, grâce à un personnage, un fonctionne­ment intérieur différent, une autre manière d’interagir avec le monde et un nouveau mode de vie me donne le sentiment de me régénérer. Mais la contrepart­ie c’est qu’en raccrochan­t mon costume, en plus d’être épuisé, je me sens démuni. Pendant deux semaines, il me faut accepter cette période de transition où je ne sais plus vraiment comment vivre ma vie et combler ce vide qui incite la tristesse à prendre le dessus.

L’année dernière, vous avez reçu le prix d’interpréta­tion masculine du Festival de Cannes pour « A Beautiful Day ». Quel souvenir en gardez-vous ?

Ce prix était une reconnaiss­ance du travail que Lynne Ramsay et moi avions accompli. Mais je suis tellement cynique que j’ai tendance à penser que le jury m’a donné ce prix car il n’avait pas beaucoup de choix… D’ailleurs, quand j’ai entendu mon nom et que je me suis levé, j’étais terrorisé à l’idée qu’il y ait une erreur et qu’on m’invite à me rasseoir comme dans Zoolander.

Qu’avez-vous fait de votre récompense ?

Honnêtemen­t, je ne sais pas. J’ai dû la donner à Lynne. Il faut dire, c’est très bizarre ce petit coffret qu’on est censé ramener chez soi. Si je gagnais un voyage en Espagne, je saurais quoi faire mais avec une palme, on fait quoi ?

Est-ce que le succès et les récompense­s donnent ou redonnent confiance ?

A ceux qui financent vos films, c’est certain !

Vous venez de débuter le tournage du « Joker » devant la caméra de Todd Phillips…

Oui, et le régime auquel je m’astreins pour ce rôle me tue : depuis le mois de juin, je ne me nourris que d’eau, de salade et de légumes à la vapeur. Je suis épuisé.

En quoi le personnage emblématiq­ue du Joker vous attirait ?

Comme tous les rôles qu’on me propose, je me contente de savoir s’il est intéressan­t et si la vision qu’en a le réalisateu­r m’attire… mais je ne vous en dirai pas plus car je ne peux absolument RIEN dévoiler de ce projet.

Après ce film, vous vous êtes promis de faire une pause. Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas ?

Ne rien faire du tout ! J’adore être dans ma maison de Los Angeles, profiter de mes deux chiens et vivre près de la nature.

Venez-vous parfois en France ?

Je viens souvent en coup de vent pour le travail mais l’année dernière, je suis resté un peu à Paris avec mon neveu. Nous avons visité plusieurs musées de photograph­ies, nous nous sommes perdus et avons beaucoup ri. ■

* En salles le 19 septembre.

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D’habitude peu friandde mondanités, Phoenix est ici trèsdécont­racté.

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