Le Figaro Magazine

LE BLOC-NOTES de Philippe Bouvard

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Les biographes d’Emmanuel Macron distinguer­ont entre ses différents lieux de vacances. Marseille n’était peut-être pas la meilleure idée dans une agglomérat­ion subjuguée par Mélenchon et portée sur la violence. Le fort de Brégançon est plus adapté mais moins douillet que la villa familiale du Touquet dont l’entrée directe sur la rue est incompatib­le avec le standing et la sécurité d’un chef d’Etat. Va donc pour Brégançon. Pour ce qui est de la vie quotidienn­e des époux Macron, il faudra attendre une confidence sur l’agrément d’une piscine hors sol qui a déjà fait couler plus d’encre et de salive que d’eau filtrée. On sait seulement que le 8e président de la Ve République qui n’avait pas hésité précédemme­nt à sacrifier deux grandes journées de travail pour aller parader à la Coupe du monde n’a pas été vu une seule fois sur une plage en train de taper dans un ballon et qu’il a réservé aux intimes ses performanc­es natatoires. Certes, Brigitte Macron a pu quitter son Jupiter pour l’exercice neptunien du ski nautique mais on ignore si elle s’est protégée du soleil à l’aide de cette Ambre que les écolos clouent désormais au pilori. Et pour ce qui est du contact humain, notre petit a attendu la fermeture au public pour visiter la fameuse villa Noailles située à Hyères. Les sondages diront si les Français ont apprécié que leur mnuméro un use davantage du bain de mer que du bain de foule.

Depuis que les 40 rois qui ont fait la France se sont inclinés devant la démocratie, la popularité présidenti­elle a varié selon l’habileté des uns, les maladresse­s des autres et surtout ce qui transpire de leur vie privée. On n’imagine pas aujourd’hui qu’Adolphe Thiers, du haut de ses 155 centimètre­s, ait pu vivre simultaném­ent avec trois femmes et épouser la gamine de 15 ans, fille de sa maîtresse. Mac-Mahon, duc de Magenta, était plus bel homme mais moins doué pour les improvisio­ns lorsqu’il demandait à visiter les dortoirs du Collège de France ou qu’il disait à un étudiant d’origine africaine : « C’est vous le nègre ? Eh bien, continuez ! » Il a accédé à la postérité le jour où, inspectant une région ravagée par les inondation­s, il lança son fameux « Que d’eau ! Que d’eau ! » à un préfet qui crut bon de lui préciser : « Et encore, vous ne voyez que le dessus ! » Au pingre Jules Grévy on reprocha son habitude de se faire rembourser des frais de déplacemen­t alors qu’il n’avait pas quitté son bureau puis d’avoir laissé Daniel Wilson («Ah quel malheur d’avoir un gendre ! ») vendre à l’encan des légions d’honneur. Que penser de Jean Casimir-Perier qui démissionn­a au bout de six mois et de Félix Faure qui défunta dans les bras de la « pompe funèbre » sinon que le suffrage universel devait faire plus tard de meilleurs choix. Emile Loubet était un brave homme dont la femme avait demandé au roi Edouard VII en lui désignant le prince de Galles : « Et ce grand garçon, qu’allez-vous en faire ? »

Tolérerait-on qu’Armand Fallières continue dans son bureau de l’Elysée à commercial­iser la piquette qui lui avait valu d’accéder à la magistratu­re suprême ? Que dirait-on de Raymond Poincaré, surdoué comme Macron, convaincu dès l’enfance qu’il serait président, comme François Bayrou ? Elirait-on un notable de province qui à l’instar de Paul Deschanel grimpait dans les arbres, se baignait avec les canards et se retrouva en pyjama chez un garde-barrière après être tombé de son wagon-lit ? Et je passe sur Doumergue, surnommé « Gastounet », vieux garçon qui se maria à l’Elysée, et Paul Doumer, premier fils d’ouvrier à se retrouver au sommet avant d’être assassiné. Et Vincent Auriol qui allait voir les chansonnie­rs enroulé dans une couverture sur la banquette de la voiture de son fils Paul ! Et René Coty, le plus populaire, élu par surprise qui n’avait même pas sa photo dans les rédactions et dont, faute de téléphone, votre serviteur se chargea d’informer de sa victoire sa femme Germaine !

Et Charles de Gaulle qui payait de sa poche les repas de sa famille, les impôts locaux et sa note d’électricit­é ! Et Georges Pompidou qui continua à fréquenter ses amis de Saint-Germain-des-Prés ! Et Giscard qui crut devenir populaire en allant dîner chez les Français à leurs frais ! Et François Mitterrand, grand bourgeois, champion de la gauche qui empruntait l’hélicoptèr­e des gendarmes pour aller jouer au golf ou rejoindre les petites actrices auxquelles il récitait de mémoire les meilleures pages de Jules Renard ! Et Jacques Chirac, baptisé « trois minutes, douche comprise », qui faisait chaque soir une rapide tournée de ses conquêtes ! Et Nicolas Sarkozy qui préférait se déplacer à vélo plutôt qu’encadré par la Garde républicai­ne ! Et François Hollande qui ne fut qu’un « président normal » que durant les deux semaines qu’il passa encore dans son petit appart du XVe ! Monarques plébéiens, adulés ou honnis, jamais assurés de disposer de plus de dix lignes dans les manuels d’Histoire.

“Depuis qu’il court les librairies, Hollande n’a jamais été plus proche du peuple”

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