Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

Un médiéviste fait la part du mythe et de la réalité dans la célèbre bataille qui vit la victoire de Philippe Auguste le 27 juillet 1214.

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de Jean Sévillia

Le dimanche 27 juillet 1214, à Bouvines, au sud-est de Lille, les troupes de l’empereur allemand Otton IV, du comte Ferrand de Flandre, du comte de Boulogne Renaud de Dammartin, du duc Thiébaud de Lorraine, du duc Henri de Brabant et d’autres coalisés, tous financés par le roi d’Angleterre Jean sans Terre, font face à l’ost de Philippe Auguste. Le roi, pour l’occasion, a mobilisé non seulement ses chevaliers, mais aussi les milices communales. Sa victoire, une des plus illustres de l’histoire de France, sera aussitôt transformé­e en mythe, et le restera jusqu’au XXe siècle. A coups d’images d’Epinal et de mots célèbres – ainsi le quolibet lancé au comte de Flandre prisonnier : « Te voilà ferré, Ferrand ! » –, il se construira de cet affronteme­nt une vision n’ayant parfois qu’un rapport lointain avec la réalité.

Professeur d’histoire médiévale à la Sorbonne et directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, Dominique Barthélemy reprend le dossier Bouvines, depuis le premier récit de la bataille écrit par Guillaume le Breton, le chapelain de Philippe Auguste, jusqu’aux développem­ents historiogr­aphiques les plus récents. Il retrace successive­ment le grand choc du 27 juillet 1214 et son interactio­n dans la société féodale, puis la réécriture qui s’en est effectuée dès le Moyen Age, et enfin sa représenta­tion dans le grand récit de l’histoire de France. Le lecteur revisite Voltaire, Michelet et Lavisse, jusqu’aux interpréta­tions récentes, comme l’inoubliabl­e « impertinen­ce inspirée » du Dimanche de Bouvines de Georges Duby (1973), sans oublier l’improbable tableau peint par Georges Mathieu, en 1954, dans le timing de la bataille. Au prix d’un formidable travail critique, Dominique Barthélemy confronte le mythe et la réalité, dans de perpétuels allers et retours où son impression­nante érudition ne se fait jamais pesante. Dans sa conclusion, l’historien souligne un paradoxe : les XIXe et XXe siècles, époques d’hécatombes guerrières, ont exalté une bataille qui avait été en fait limitée, comme tous les affronteme­nts guerriers d’un Moyen Age qui était parfois moins barbare que nos temps modernes.

La Bataille de Bouvines. Histoire et légendes, de Dominique Barthélemy, Perrin, 542 p., 27 €.

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