Le Figaro Magazine

CET EMPIRE AVAIT DU STYLE

Une impression­nante exposition au musée d’Orsay rend hommage à l’oeuvre et à l’héritage des années du règne de Napoléon III, souvent injustemen­t décrié.

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Oublions Sedan, la défaite de 1870 et ses conséquenc­es désastreus­es. L’exposition « Spectacula­ire second Empire » retient, au contraire, de cette période, sa prospérité, son euphorie économique, son foisonneme­nt culturel. « Pensez que la France était, alors, si riche qu’elle paya ses indemnités de guerre en un an » , souligne Yves Badetz, conservate­ur général au musée d’Orsay et l’un des trois commissair­es de cette rétrospect­ive. Présentati­on qui s’annonce fastueuse d’autant qu’elle célèbre les 30 ans du musée. Quatre cent soixante objets, peintures, sculptures, dessins d’architectu­re mais aussi meubles, pièces d’orfèvrerie, bijoux. Des bijoux signés Mellerio dits Meller, joaillier de la rue de la Paix où l’impératric­e se rendit une fois par semaine pendant dix-huit ans… Au long du parcours se dessine en filigrane la personnali­té de Napoléon III. « Il a été honni, haï, il est temps de rendre justice à son esprit visionnair­e » , s’enthousias­me Yves Badetz. Moderne, l’empereur ? Pour assurer sa popularité, il utilise tous les moyens à sa dispositio­n : les tableaux, les gravures et la photograph­ie inventée depuis peu. Il veut être aimé. Les habitants de Tarascon sont-ils victimes d’un incendie ? Il y court ! Et sa visite aux sinistrés est aussitôt racontée par le peintre Bouguereau. Quant à la jeune Eugénie, elle est immortalis­ée, penchée sur les cholérique­s dans les hôpitaux…

Alors que le baron Haussmann bouleverse la capitale, l’assainit, l’agrandit, le chef de l’Etat tient à associer les Parisiens à l’embellisse­ment de leur ville. Colossal chantier qui paraît sans fin ! Chaque fois que s’ouvre une gare, chaque fois que se perce un boulevard, une inaugurati­on est organisée en fanfare. On élève des arcs de triomphe et autres décors éphémères. On donne des bals publics. La façade de l’Opéra de Charles Garnier est dévoilée en grande pompe en 1867, avant même que l’arrière du bâtiment ne soit achevé ! La « société du spectacle », déjà… La bourgeoisi­e triomphant­e, elle aussi, est en représenta­tion. Enrichie dans la spéculatio­n immobilièr­e et la banque, elle a besoin de paraître. Elle commande des portraits, fait édifier des demeures à l’opulence démesurée. Des exemples ? La maison pompéienne, avenue Montaigne à Paris, au décor néogrec où résidait la tragédienn­e Rachel, ou le château d’Abbadia à Hendaye, folie néogothiqu­e…

Figure paradoxale, Napoléon III. Il laisse dans les mémoires un régime autoritair­e, répressif, dominé par la censure. Pourtant, c’est lui qui institua le Salon des refusés (ainsi que le droit de grève). Un geste libéral vis-à-vis des artistes rejetés par le jury du salon officiel. On y découvre Manet et son fameux Déjeuner sur l’herbe. Oui, l’impression­nisme est né sous le second Empire, il a cohabité avec l’académisme d’un Cabanel et le réalisme d’un Millet. La peinture de plein air voit le jour tandis que se développen­t des loisirs inédits. L’impératric­e lance Biarritz, nouvelle station balnéaire, où elle fait construire une villa qui donne sur la mer, c’est une première. Elle se soucie d’hygiène. Dans la capitale, se créent des « espaces verts » : le parc des Buttes-Chaumont, celui de Montsouris ; les bois de Boulogne et de Vincennes sont aménagés pour la promenade. Point d’orgue de la présentati­on au musée d’Orsay : les Exposition­s universell­es. Des foires d’un nouveau genre, où la foule se presse pour admirer des produits de luxe abondants, des innovation­s techniques, des prouesses artistique­s. Ainsi, ce bénitier en cristal haut de

2,50 m et pesant 450 kilos ! Elles se montent tantôt à Londres, tantôt à Paris. Rappelons-le, Napoléon III, grand politique, a signé un traité de libre-échange avec le Royaume-Uni. A elle seule, l’Exposition de 1867, qui eut lieu chez nous, accueillit onze millions de visiteurs ! La France rayonnait. La France était enviée. Voilà qui laisse rêveur.

• LAURENCE MOUILLEFAR­INE

« Spectacula­ire second Empire 1852-1870 » , jusqu’au 15 janvier 2017, musée d’Orsay, 75007 Paris ( www. musee- orsay. fr).

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460 objets et oeuvres exposés au musée d’Orsay, cette grande broche plume de paon de chez Mellerio dits Meller (diamants, émeraudes, saphirs, rubis, argent sur or rose).
Parmi les 460 objets et oeuvres exposés au musée d’Orsay, cette grande broche plume de paon de chez Mellerio dits Meller (diamants, émeraudes, saphirs, rubis, argent sur or rose).

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