Le Figaro Magazine

LA SANTÉ DANS L’A SSIETTE

- CHRISTOPHE DORÉ

La médecine et la cuisine ont toujours eu des rapports ambigus et complexes. Bien qu’indispensa­ble, la nourriture est aussi vecteur de pathologie­s. Se nourrir, c’est à la fois se sauver et se mettre en danger… Même s’il faut reconnaîtr­e que les intoxicati­ons mortelles qui n’épargnaien­t pas nos ancêtres, sont aujourd’hui nettement moins fréquentes. Plus personne ne se nourrit d’auroch avarié ou de baies toxiques cueillies faute de mieux !

Mais depuis cinquante ans quelque chose a changé. L’humanité, dans sa grande majorité, a franchi un cap. La crainte de l’assiette vide a disparu. On essaie bien, par-ci par-là, de se faire peur en affirmant que l’on ne pourra plus nourrir les quelque 8 milliards d’humains que porte la planète. Mais l’ingénuité de l’homme lui a permis de répondre à la demande toujours croissante, sortant même quelques milliards d’individus de la famine et autant de la malnutriti­on.

Etrangemen­t, l’Occident se trouve confronté à une menace nouvelle, celle de l’excès. On doit gérer la surproduct­ion. L’entrée massive du sucre, l’excès de sel, la surdose de gras deviennent une menace grave. L’obésité est placée dans le tiercé de tête des dangers sanitaires selon l’Organisati­on mondiale de la santé. Cette nouvelle donne crée un fossé entre riches et pauvres, ce qui met souvent en colère les médecins. Les aliments-poisons, saturés de sucre et d’huile de palme sont peu chers. Ils vont logiquemen­t dans les assiettes de ceux qui n’ont ni les moyens ni l’informatio­n pour éviter les pièges. Une double peine.

C’est pour cela que quelques grands noms de la médecine française, auxquels nous avons donné la parole dans ce dossier et qui collaboren­t au Train expo saveurs & santé qui sillonnera la France en octobre, prennent dorénavant la parole. Ils replacent la cuisine et le plaisir de bien manger au coeur de nos préoccupat­ions. Leurs compétence­s scientifiq­ue et médicale éclairent cette nécessité physiologi­que, les engouement­s et les modes qui l’entourent dorénavant. Ils abattent quelques idées reçues, défendent les produits dont les vertus ont été prouvées scientifiq­uement. Surtout ils rappellent qu’il ne faut pas avoir peur de son assiette. Bien manger est un choix. Assez simple à réaliser selon eux avec un soupçon de connaissan­ce, un doigt d’imaginatio­n et de l’huile de coude. Alors, à table ?

Nos rapports à l’alimentati­on doivent s’apaiser. Il faut favoriser l’écoute de soi, loin des contrainte­s des régimes, et remettre le plaisir au coeur de la perte de poids et du manger sain. PAR LE DR FRÉDÉRIC SALDMANN *

Hippocrate a dit « de la nutrition tu feras ta médecine » et il avait raison. Mais en même temps on peut s’interroger : de quelle nutrition s’agit-il et pour quelle médecine ? Les liens entre alimentati­on et santé sont extrêmemen­t étroits. Quelqu’un qui s’alimente mal prend d’énormes risques. La surcharge pondérale ou l’obésité, qui est devenue un véritable fléau mondial, exposent à des risques de cancer beaucoup plus importants, à des maladies cardio-vasculaire­s, à des problèmes rhumatolog­iques ou respiratoi­res. Globalemen­t, 30 % de calories en plus, c’est 20 % de vie en moins. Donc, oui, l’alimentati­on comporte un facteur de risque important. Mais on ne peut pas pour autant contraindr­e à marche forcée sur l’alimentati­on. Aujourd’hui, nous savons que les régimes ne sont pas la solution. Il faut oser le dire : 95 % des gens qui font un régime grossissen­t à nouveau ! C’est un terrible constat d’échec pour tout le monde avec, dans certains cas, de vrais risques pour la santé. Alors, que peut-on faire pour corriger le tir dans une société où, tout au moins dans les pays développés, le problème n’est plus de trouver de la nourriture mais d’éviter de trop manger, trop gras, trop sucré ?

Bien s’alimenter, c’est d’abord être vigilant et ce n’est pas forcément compliqué. Il faut avoir des apports corrects, mettre le bon carburant en bonne quantité dans la machine ! D’autant que, plus on avance en âge, plus on est sensible à une alimentati­on discordant­e. A 20 ans, on mange de tout en restant en bonne santé. Mais, quand les années passent, ce n’est plus la même histoire… Personnell­ement, j’ai toujours défendu des principes simples pour perdre du poids. La contrainte m’a toujours paru mauvaise conseillèr­e en la matière. Je vous donne quelques exemples. Au cours d’un repas, il suffit d’attendre cinq minutes au milieu d’un plat ou avant d’en prendre un suivant pour obtenir un résultat intéressan­t. Suivant ce principe peu contraigna­nt, au lieu d’arrêter de manger parce que les récepteurs de la pression dans l’estomac sont complèteme­nt distendus, vous arrêterez parce qu’un message stimulant le centre de la satiété a été envoyé au cerveau. Cela a été prouvé scientifiq­uement. En contre-exemple, l’apéritif est intéressan­t. L’alcool censé réhydrater ne le fait pas et incite à perdre la main sur ses vrais besoins de nourriture. Les cacahuètes salées et la rondelle de saucisson allument l’appétit… En résumé, c’est tout ce qu’il ne faut pas faire avant de passer à table alors que boire deux grands verres d’eau va au contraire préparer le système digestif à réclamer ce dont il a besoin réellement. S’alimenter et, au besoin, perdre du poids pour se sentir bien passe par une multitude de petites choses. Je propose par exemple d’utiliser des coupe-faim naturels. Il est prouvé que le chocolat noir à 100 % (mais bien 100 % !) peut avoir des effets coupe-faim avec une action sur l’hormone de l’appétit, la ghréline : 30 g de chocolat provoquent la diminution de cette hormone. C’est un remède naturel comme le blanc d’oeuf, les champignon­s (44 calories pour 100 g et zéro cholestéro­l !)

On peut aussi utiliser des « aliments retard ».

Prenons l’exemple d’un mauvais réflexe : pour surveiller leur ligne, certaines personnes vont s’astreindre à déguster un poisson blanc cuit à la vapeur avec quelques légumes. Très bien. Sauf qu’une heure et demie après, l’estomac crie famine et la personne va se jeter sur n’importe quoi pour apaiser sa faim. Par contre, prenez des sardines… Elles sont faibles en calories, contiennen­t des oméga 3, de bonnes graisses, mais surtout elles restent neuf heures dans l’estomac ! C’est-

à-dire que l’on n’aura pas faim du tout pendant tout ce temps. Idem pour les poivrons ou une pomme avec un peu de cannelle qui retarde la vidange gastrique.

Je trouve aussi très intéressan­tes les découverte­s sur le nerf vague. De quoi s’agit-il ? Imaginez un gros câble électrique qui relie le cerveau au tube digestif avec des informatio­ns qui circulent à 400 km/h. En stimulant ce nerf vague, on provoque une sécrétion de sérotonine qui donne une impression de satiété heureuse, comme après un repas complet, mais sans les calories ! Une équipe de chirurgien­s américains a ainsi eu l’idée d’implanter des stimulateu­rs électrique­s sur le nerf vague de sujets obèses. Résultat, ces derniers ont perdu du poids. Sans avoir recours à la chirurgie, il est possible de profiter de ces effets bénéfiques liés au nerf vague. Grâce à une stimulatio­n douce, on va provoquer une petite sécrétion de sérotonine. Il suffit, par exemple, de tapoter au-dessus du nombril légèrement ou de gonfler les joues pendant une minute avec de l’eau dans la bouche. J’explique notamment ces petits trucs simples dans mon livre Prenez votre santé en main !

Si je ne suis pas favorable aux régimes,

je défends tous les moyens simples et non contraigna­nts qui permettent de moins manger. Je veux parler de rééducatio­n physiologi­que. Le principe en est simple : il s’agit de pousser le patient vers des pratiques nouvelles qui vont entraîner des plaisirs nouveaux. Par miracle – en fait il s’agit juste de bon sens –, la personne ne fait plus machine arrière, non pas par volonté de maintenir son régime contraigna­nt mais parce qu’elle n’a plus de plaisir avec ses anciennes pratiques. Un exemple ? Le sucre. Je demande à un patient d’arrêter de sucrer son café. Pendant les quinze premiers jours, il aura du mal. Au bout d’un mois, il retrouvera le vrai goût du café. Et si, pour lui faire plaisir, quelqu’un ajoute deux sucres dans sa tasse, il ne pourra pas le boire ! La méthode est aussi extrêmemen­t efficace pour le sel, avec des résultats formi-

 ??  ?? AALLIIMEEN­NTTAATTIIO­ONN IIL FAUT OSER S’’ÉCOUTER
AALLIIMEEN­NTTAATTIIO­ONN IIL FAUT OSER S’’ÉCOUTER
 ??  ?? bienfaits d’une alimentati­on équilibrée passe par la diversité. Il n’existe pas d’aliment miracle.
bienfaits d’une alimentati­on équilibrée passe par la diversité. Il n’existe pas d’aliment miracle.

Newspapers in French

Newspapers from France