Toujours plus vite
Le X-15 est un sprinteur né. La performance impressionnante du 7 mars à Mach 4 lance une course folle qui mène l’avion et son pilote Robert ”Bob” White à Mach 6 à la fin de la même année. Retour sur un exploit historique !
Le X- 15 atteint Mach 4 au compteur et ne s’arrête pas là.
En ce début d’année 1961, le sprinteur North American X-15 s’apprête à aborder les très grandes vitesses, des domaines où la chaleur règne et réclame des matériaux qui ne fondent pas avec l’élévation drastique des températures. C’est aussi l’accès aux très hautes altitudes, où il faut se passer de la portance pour assurer le vol. Seuls des missiles s’y aventurent. Depuis juin 1959, le X-15 court après les records. À son bord Joseph “Joe” Walker a déjà atteint Mach 3,3 en août 1960. Les ingénieurs voient beaucoup plus loin et travaillent avec acharnement pour aller encore vite.
Le major Robert “Bob” White est désigné pour s’installer à bord du X-15 ce 7 mars. C’est son septième vol sur l’avion depuis le 13 avril 1960. Il connaît donc plutôt bien cet hybride de missile et de fusée. Le X-15 est conçu pour exécuter deux missions : allez très vite et très haut. Le manque de puissance de son moteurfusée XLR11 – le même qui propulsa le Bell X-1 à Mach 1 en 1947 – limite néanmoins ses performances. Les ingénieurs installent alors le XLR99, beaucoup plus ambitieux. La 34e mission du X-15 marque la première utilisation du moteur en vol, après une longue campagne d’essais au sol. Vers Mach 4 et au-delà, proclame l’équipe des essais en vol.
Le machmètre s’affole et affiche jusqu’à Mach 4,43
Au petit matin de ce 7 mars, le Boeing NB-52B Balls 8 décolle avec le X-15 accroché sous son aile droite et prend de l’altitude pour économiser le combustible du sprinteur installé dans son starting-block. À 10 h 28 m 33 s, top décrochage !
Pendant 127 secondes, le moteurfusée XLR99 est seulement amené à 50 % de sa puissance théorique de 25 t de poussée ; le X-15 pèse 15 t avec le plein d’oxygène liquide et d’ammoniac, dont le mélange pour le moins explosif propulse l’avion.
Dès la mise à feu du XLR99, le X-15 laisse sur place les Douglas F5D-1 “Skylancer”, McDonnell F4H-1 “‘Phantom” II et Lockheed F-104 “Starfighter” qui l’escortent. Rien de moins ce qui se fait de plus rapide comme chasseurs à l’époque. Le machmètre s’affole et affiche jusqu’à Mach 4,43. Quand le moteur-fusée s’éteint, l’avion est “seulement” à 77 450 pieds (23 607 m). Son pilote l’a auparavant poussée à 136 500 pieds (41 605 m) le 12 août 1960. “Bob” White se pose sereinement. Il s’est écoulé 8 min 34 s depuis le largage de Balls 8. White est alors l’homme le plus rapide du monde. Seuls les astronautes et autres voyageurs de l’espace feront mieux.
La chaleur déforme le X-15
Les objectifs du vol étaient d’obtenir des données aérodynamiques sur l’échauffement de la structure, ainsi que des informations sur la
stabilité et le contrôle de l’avion à grande vitesse. Le vol est globalement satisfaisant. L’examen du X-15 révèle toutefois des brûlures sur des panneaux de revêtement. Elles sont attribuées à la dilatation thermique – la différence de température entre les panneaux et la structure principale du fuselage atteint 260 °C. Les ingénieurs installent des joints de dilatation supplémentaires.
Cette date du 7 mars marque un jalon important dans la conquête des grandes vitesses. Cependant l’équipe du X-15 n’eut de cesse d’aller encore plus vite, plus haut. Le 23 juin, White et le X-15 atteignent Mach 5, puis Mach 6 le 9 novembre. Là encore la plus grande vitesse jamais atteinte par un avion.
Mais les vols dans l’espace occupent les unes des journaux avec celui de Youri Gagarine le 12 avril de cette année 1961, décidément propice aux exploits. White gagne son badge d’astronaute en atteignant 314 750 pieds (près de 96 000 m) le 17 juillet 1962 pour son 15e vol sur X-15 – il fallait dépasser 80 000 m. Encore perfectionné, l’avion atteint Mach 6,5 le 3 octobre 1967. C’est toujours en 2021 l’avion le plus rapide du monde…