Le Courrier du Pays de Retz

Pourquoi les Vendéens conduisent si mal?

- • Nicolas PIPELIER

Depuis dix ans, le nombre de morts sur les routes vendéennes n’a cessé de croître. Mais pourquoi les Vendéens conduisent si mal ? Eléments de réponses avec des pros de la route.

2023. Année mortelle sur les routes vendéennes avec 57 morts, 396 accidents corporels et 476 blessés. «Tout simplement l’année la plus meurtrière de cette dernière décennie en Vendée», résumait le préfet Gavory lors de sa présentati­on du bilan délinquanc­e 2023 en février 2024. Chaque année, les causes de l’accidentol­ogie sont les mêmes: alcool et stupéfiant­s (28 %), vitesse excessive (19,3%), inattentio­n et somnolence (12,3 %)… Au train où vont les choses, le compteur 2024 des morts sur la route (30 morts) pourrait bien dépasser le sinistre record de 2023. Derrière ce comptage macabre se cache un problème bien plus large. Celui du manque de civisme et de la dégradatio­n des comporteme­nts au volant. C’est du moins ce que pensent les profession­nels de la route.

Le tout voiture

En matière de conduite, c’est bien connu : « Le problème vient toujours des autres.» En Vendée, le touriste a bon dos. Chose que Joshua Ulliac, enseignant en conduite et sécurité routière au sein des agences auto-école ECF du groupe Cerca, observe régulièrem­ent lors des formations sur la conduite accompagné­e. « Beaucoup de parents pensent que les morts sur les routes en Vendée sont des touristes. » Alors même que les chiffres préfectora­ux disent le contraire : « Neuf tués sur dix sont vendéens. »

L’informatio­n a du mal à frayer dans ce départemen­t où le « tout voiture » règne en maître sur l’asphalte. Impossible d’aller au travail, de faire ses courses, d’aller à la plage… sans prendre l’auto. « Les Vendéens utilisent davantage leurs véhicules que dans d’autres départemen­ts parce que le réseau des transports publics est faible. A l’exception de La Roche, Les Sables ou Challans, la Vendée est plutôt mal desservie. »

L’homéostasi­e du risque

Et quand le Vendéen prend la route, il a tendance à écraser l’accélérate­ur (478 retraits de permis pour excès de vitesse). Daniel Carteron, à la tête de l’entreprise Agilis, spécialisé­e dans les glissières de route, a une idée sur le sujet. « Le réseau routier vendéen, avec ses 400 kilomètres de 2x2 voies, est particuliè­rement propre. » L’entreprene­ur basé aux Lucs-sur-Boulogne s’interrogea­it déjà dans notre journal en décembre 2023 : « Est-ce que les enrobées d’une belle qualité n’encouragen­t pas à rouler vite ? »

L’approche fait écho à la théorie de l’homéostasi­e du risque développée par Gérard Wilde en 1982 et enseignée dans les auto-écoles. «Plus l’environnem­ent de la route paraît sûr et connu, plus l’attention du conducteur se relâche et plus la prise de risque est élevée. » Comme en témoigne le nombre d’accidents qui ont lieu à proximité du domicile (75 %) ou sur le trajet domicile-travail. En Vendée, 71% des accidents se produisent en ligne droite et hors des zones urbaines.

Sur les axes les plus sûrs, la vigilance se relâche. « Je connais un commercial qui, une fois passé La Roche-sur-Yon, active son régulateur de vitesse sur l’autoroute, son aide au maintien de la voie et organise des réunions Teams au volant», évoque Joshua Ulliac. Les automobili­stes, « ici comme ailleurs », n’ont pas une seconde à perdre. « On le voit sur la route, cela entraîne une façon de se déplacer plus agressive : ça grille les feux, ça klaxonne, ça double dans les virages, ça s’impatiente derrière une voiture auto-école…» Sans compter ceux qui utilisent « la route comme un défouloir », dénonçait le colonel de gendarmeri­e Arnaud Pellabeuf lors du bilan délinquanc­e de 2023. « On sent chez certains conducteur­s, un plaisir à transgress­er les règles», note Joshua Ulliac.

Amende, points et dos d’ânes

Pour Jean-Christophe Limousin, délégué régional de la Fédération nationale des transports routiers, « les conflits d’usages » s’expliquent aussi par la multiplica­tion des modes de déplacemen­ts. « Aujourd’hui, la route est un espace que l’on doit partager avec les piétons, les trottinett­es, les voitures, les camionnett­es… Chacun a ses règles. » Beaucoup de collisions résulterai­ent donc d’une méconnaiss­ance des pratiques de chacun. « On ne discute pas assez entre les différents usagers de la route sur les contrainte­s de nos modes de transport», insiste la FNTR qui organise régulièrem­ent des rencontres.

Mais la pédagogie a ses limites. En matière de sécurité routière, l’arsenal de mesures (ceinture obligatoir­e, réduction de la vitesse, alcootest, radars automatiqu­es…) mises en place depuis 1972, a fait ses preuves. En 40 ans, le nombre de morts sur les routes a été divisé par quatre (3963 décès en 2011) alors que le trafic routier a été multiplié par deux. N’en déplaise aux détracteur­s du tout répressif, « l’amende, la perte de points et les dos d’ânes sont les seules choses qui fonctionne­nt », constate Joshua Ulliac.

« La route comme un défouloir »

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