Une femme de ménage du CCAS «sanctionnée» pour son « manquement au devoir de réserve »
Le tribunal administratif de Nantes a désavoué une aide à domicile du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Pornic (Loire-Atlantique), actuellement en arrêt-maladie, qui estimait avoir fait l’objet d’une
« sanction déguisée » de la part du maire (divers droite) Jean-Michel Brard après s’être plaint du « racisme » d’une personne âgée «malveillante» chez qui elle était intervenue, relate l’agence PressPepper.
La requérante, qui faisait des remplacements comme contractuelle depuis six ans et qui était sur le point d’être titularisée à temps partiel dans la fonction publique territoriale - avait en fait confié en 2019 à cette
« usagère » que ses chefs lui
«demandaient d’acheter ses chaussures et ses blouses » de travail.
Une plainte de l’usagère
« Elle avait expliqué que ce n’était pas à elle de le faire, de la même manière qu’un militaire aurait pu dire que ce n’était pas à lui d’acheter ses rangers et son arme», avait résumé son avocate lors de l’audience publique le 28 mars 2024.
Le Centre communal d’action sociale de Pornic - dirigé par le maire et candidat aux actuelles élections législatives Jean-Michel Brard - avait alors eu vent de ces
« critiques appuyées » : la personne âgée s’en était plainte auprès de la direction, en ajoutant que « si l’État n’avait pas recruté de fonctionnaires d’origine maghrébine, il n’y aurait pas eu d’attentats »…
Le CCAS avait donc convoqué l’aide à domicile pour ses
« propos inadaptés » et son
«manquement à son obligation de discrétion et au devoir de réserve », mais aussi pour son « non-respect de ses horaires de travail » et un «manque d’écoute des besoins des bénéficiaires ».
Dans ces conditions, l’entretien avec le maire de Pornic avait été « particulièrement houleux ».
Une « délation complètement infondée »
«Elle a été bouleversée par ce qu’elle venait d’entendre : alors qu’elle pensait avoir le soutien de son employeur visà-vis de cette usagère indélicate, c’est tout le contraire qui s’est passé : elle a été clouée au pilori», avait expliqué son avocate.
Dans ce contexte, cette dernière avait appelé les juges administratifs nantais à prendre « du recul » sur la « délation complètement infondée » de cette «usagère très récente» du CCAS, alors que sa cliente était au contraire un « agent extrêmement compétent ».
« Elle est atteinte aujourd’hui d’un cancer, mais reste très affectée par cette affaire… Ce serait lui faire honneur que de la titulariser », avait dit l’avocate de l’aide à domicile aux juges nantais.
Le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Pornic avait en effet préféré « proroger » à deux reprises la période de «stage» à laquelle est soumis tout agent en attente de titularisation dans la fonction publique.
Au moment de l’audience, il était « dans l’attente » d’un
« avis » médical sur une prolongation « encore » de l’arrêt-maladie de la requérante.
« On ne peut pas critiquer son employeur quand on est fonctionnaire, sur cela il n’y a pas de débat, avait répliqué l’avocate du CCAS, pointant que l’aide à domicile »s’est emportée lors de l’entretien, en partant sur la conspiration et l’aspect raciste des choses… C’est ce qui a motivé la prorogation de son stage.«
«Elle a bien fait de s’emporter », avait réagi sa consoeur en charge de la défense des intérêts de la femme de ménage suite à ces « propos absolument scandaleux ». « Je vous invite à vous emporter comme elle », avait-elle lancé aux juges nantais.
Elle a parlé au maire sur un «ton agressif et irrespectueux »
«Le non-respect des horaires de travail […] n’est pas établi », commence donc par déblayer le tribunal administratif de Nantes dans un jugement en date du 18 avril 2024 qui vient d’être rendu public, puisque le compte-rendu d’entretien d’évaluation de la requérante faisait état d’une « bonne organisation dans le travail ».
« De même, le manque d’écoute des besoins des bénéficiaires […] n’est établi par aucun élément précis», constatent les juges.
«En revanche, [la requérante] a tenu en présence de cette bénéficiaire des propos sur le fonctionnement du service et sur ses conditions de travail et de rémunération, révélant un manquement au devoir de discrétion et de réserve », estime le tribunal administratif de Nantes.
«À l’occasion d’un entretien avec le maire de Pornic, [la requérante] a adopté un comportement inadapté au regard du ton agressif et irrespectueux qu’elle a employé, ajoute-t-il. Seuls ces deux derniers faits sont établis. »
«Le manquement au devoir […] de réserve présente un caractère de gravité suffisant, compte tenu de la teneur des propos tenus, de ce que ceux-ci ont suscité une plainte […] de la bénéficiaire […] et de la vulnérabilité du public auprès duquel intervient [la requérante], pour que le président du CCAS de Pornic prolonge le stage […] dès lors que celle-ci ne donnait pas entièrement satisfaction », conclut le tribunal administratif de Nantes. La requête de l’aide à domicile a donc été rejetée.