Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Qui est Susan Travers, cette combattante qui donne son nom à une rue de Villennes-sur-seine ?
La seule femme de la Légion étrangère, héroïne de la Seconde Guerre mondiale, fait son entrée dans la liste des noms de rue de Villennes-sur-seine, où elle a longtemps vécu.
La plaque de rue Susan Travers (1909-2003) devrait être posée avant l’été, à l’entrée d’une impasse sans nom qui donne sur la rue de la Croixbreteuil, à Villennes-sur-seine (Yvelines).
Le conseil municipal du 29 février 2024 a adopté à l’unanimité la délibération qui va permettre de rendre hommage à cette héroïne de la Seconde Guerre mondiale, rescapée de la bataille de Bir-hakeim (Lybie), la seule femme de la Légion étrangère.
Surnommée « la Miss »
Installée à Villennes-surseine à partir de 1950, ruelle de la Lombarde, avec son mari Nicholas Schlegelmilch, légionnaire lui aussi, Susan Travers y a élevé deux fils dans un relatif anonymat.
« La Miss » a attendu la mort de son époux, en 1994, et de tous les anciens de Bir-hakeim pour raconter ses souvenirs à Wendy Holden. Il a écrit sa biographie dont la traduction française a été publiée en 2001 sous le titre Tant que dure le jour (Plon).
Les historiens locaux de l’association ACV Mémoire de Villennes ont puisé dans ce récit pour lui dédier une page très fournie, de son enfance en Angleterre, en 1909, à sa mort, en 2003, lorsque ses cendres ont rejoint la tombe de son époux, dans le cimetière de Villennessur-seine.
Une vie historique
Joueuse de tennis semiprofessionnelle, aventurière intrépide au volant de son automobile dans l’europe des années 30, ambulancière de la Croix-rouge en 1940, engagée dans les Forces françaises libres, à Dakar avec le général de Gaulle, maîtresse et conductrice du général Koenig, au Congo, en Syrie, en Lybie, rescapée de Bir-hakeim et de tant d’autres épisodes de la Seconde Guerre mondiale… Sa vie est jalonnée de moments historiques et de personnages illustres, souvent des hommes.
Décorée de la Médaille militaire par Pierre Koenig, devenu ministre de la Défense, en 1956, elle a attendu 40 ans pour que la croix de chevalier de la Légion d’honneur vienne compléter sa collection de médailles.
Le discours de Simone Veil
Simone Veil a aussi contribué à rappeler le souvenir de Susan Travers. Lorsqu’en 2010, l’ancienne présidente du Parlement européen a succédé à Pierre Messmer à l’académie française, elle a raconté le siège de Bir-hakeim et le rôle de Susan Travers, pilotant sa Ford à travers les lignes ennemies, le 10 juin 1942.
Pionnière à titre posthume pour cette fois, Susan Travers sera la deuxième femme, seulement, à donner son nom à une rue de Villennes-sur-seine (il existe une rue Eleonore Jarry). En 2014, une étude révélait que 2 % des noms des rues, en France, sont celui d’une femme.
Dans un communiqué, la Ville ajoute : « Après la maison médicale Madeleine-brès, inaugurée en 2023, c’est à nouveau le nom d’une femme illustre qui a été choisi par la municipalité. »
Sujet controversé
Le sujet est controversé à Villennes-sur-seine où la fondatrice d’un groupe d’entraide (les JJD, pour Jeunes jolies et dynamiques, groupe privé sur Facebook), Laurence Occhipinti-noblet, avait lancé une pétition en ligne, en 2021, intitulée « Pour une rue Susan Travers à Villennes-sur-seine ». Elle avait récolté 117 signatures.
« Nous n’avons pas attendu Laurence Noblet pour connaître l’histoire de Susan Travers », répond le maire, Jean-pierre Laigneau, qui préfère souligner le travail de ses adjoints que d’évoquer « une opposante ».
Une nouvelle dénomination pratique
Dans le communiqué, le délégué à l’urbanisme, Jean-michel Charles explique d’ailleurs que la nouvelle dénomination va permettre d’attribuer des numéros individuels au lotissement de 10 pavillons situé dans l’impasse. Et résoudre ainsi « les multiples problèmes » des riverains pour « les livraisons et les raccordements, en particulier à la fibre ». Un souffle de modernité accompagne encore Susan Travers.
❝ « Une femme à la Légion étrangère ? Vous le savez mieux que quiconque… Il arrive que des institutions soient créées, et vivent longtemps, composées uniquement d’hommes. Un jour, une femme
survient, et le visage de cette institution s’en trouve subitement modifié. C’est ce qui est arrivé à la Légion quand Susan Travers, jeune britannique engagée dans la France libre, devient chauffeur du général Koenig. » SIMONE VEIL, LE 8 MARS 2010, À L’ACADÉMIE FRANÇAISE
❝ « C’est la première fois du mandat que nous attribuons un nom à une rue. (…) Donner un nom de rue ou de salle municipale à Susan Travers me tenait à coeur car j’habite la maison d’à côté où elle vivait. Je m’y étais engagée dès 2021. » MARIE-AGNÈS BOUYSSOU, PREMIÈRE ADJOINTE AU MAIRE DE VILLENNES-SUR-SEINE
❝ « La féminisation
des noms des rues est un sujet qui m’interpelle et qui illustre l’invisibilisation des femmes encore aujourd’hui. Le but est atteint puisque le nom de Susan Travers va être donné à une rue, même si c’est une impasse. Tant pis si la municipalité ne veut pas reconnaître notre contribution, elle a doublé le nombre de rues portant le nom d’une femme à Villennes ! » LAURENCE OCCHIPINTINOBLET, FONDATRICE DES JJD