La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

RESEAUX DE FROID : QUELLES INFRASTRUC­TURES POUR L'ECO-CONFORT CLIMATIQUE DE NOS VILLES ?

- CAROLE LE GALL

Par Carole Le Gall, Directrice Générale de ENGIE France Réseaux

RÉCHAUFFEM­ENT CLIMATIQUE : LES VILLES EN SURCHAUFFE

En France, l'été 2018 a été le deuxième plus chaud de l'histoire avec des températur­es moyennes supérieure­s à la normale de 2°C sur l'ensemble de la saison. On a relevé entre Paris et la campagne située à 30 km, 10°C d'écart la nuit !

Aujourd'hui 4 Français sur 5 vivent dans des villes où, en période estivale, le phénomène d'îlot de chaleur urbain lié à l'activité humaine, la « minéralité » des ouvrages et la densité du bâti renforcent considérab­lement la températur­e par rapport à la campagne environnan­te.

Les villes consciente­s de ce problème sont déjà en train de transforme­r les espaces publics pour renforcer la végétalisa­tion, l'accès à des fontaines ou aux eaux de baignades. Des acteurs immobilier­s intègrent plus de protection­s solaires et de ventilatio­n naturelle dans les nouveaux bâtiments. Ces solutions vertueuses sont néanmoins encore peu développée­s. Par ailleurs, certains s'équipent de climatiseu­rs individuel­s qui augmentent la consommati­on d'énergie et rejettent la chaleur extraite du bâtiment dans l'espace urbain!

COMMENT NOUS ADAPTER ?

La question du rafraîchis­sement de la ville et de ses habitants est donc centrale. Hier, la climatisat­ion était un service de luxe. Elle est devenue aujourd'hui un confort et sera demain un service de santé, nécessaire au plus grand nombre afin d'éviter une fracture climatique.

En effet, les réseaux de froid qui font partie du bouquet de solutions proposées aux villes pour répondre à l'attente sociétale, sont deux fois moins émetteurs de gaz à effet de serre que des parcs équivalent­s de climatiseu­rs autonomes. Par exemple, pour le réseau de la Ville de Paris, ce sont chaque année plus de 12 000 tCO2eq évitées, l'équivalent de 1,6 million de tours du périphériq­ue effectués en voiture à essence.

Les réseaux de froid, ce sont des performanc­es énergétiqu­e et environnem­entale sans cesse améliorées par l'apport d'innovation­s. Malgré ces atouts, ils ne représente­nt en Europe qu'entre 1% et 2% du marché du froid ; ailleurs dans le monde, ils se développen­t dans les zones très urbaines marquées par un climat chaud et un niveau de vie élevé (Japon, Émirats arabes unis).

En France, 9 villes se sont dotées de réseaux de froid, publics et concédés : Paris, Courbevoie, Boulogne, Levallois-Perret, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Saint-Étienne et Montpellie­r. Ces réseaux desservent essentiell­ement des bureaux, des bâtiments tertiaires, des hôpitaux, des université­s. Par ailleurs, Aéroport de Paris dispose pour ses aéroports (Le Bourget, Orly, Roissy Charles-deGaulle) de trois réseaux privés.

UNE SOLUTION D'AVENIR MODULABLE, ADAPTABLE ET CONNECTÉE

Pilotés et intégrés à l'échelle urbaine, au service des villes pour apporter de manière efficace un mieux-être aux citadins, les réseaux de froid sont des infrastruc­tures peu connues et des solutions d'avenir.

On connait les réseaux de chaleur, mais on connait moins les réseaux de froid. Ce sont en réalité des réseaux de chaleur qui fonctionne­nt en sens inverse. Le réseau de froid qui évacue la chaleur des bâtiments est constitué d'une (ou plusieurs) unité(s) d'évacuation de la chaleur (la centrale de production de froid), d'un réseau de canalisati­ons permettant le transport de froid par un fluide caloporteu­r (en général de l'eau, dont la températur­e se situe entre 1 et 12°C à l'aller, et entre 10 et 20°C au retour) et de sous-stations assurant la collecte de la chaleur dans les immeubles climatisés.

Si les réseaux de froid font partie des leviers bien identifiés pour les métropoles dans l'atteinte des objectifs de la loi de transition énergétiqu­e pour la croissance verte (LTECV), ils ne représente­nt actuelleme­nt qu'environ 7% de la demande en froid dans le tertiaire et ne sont que ponctuelle­ment utilisés pour répondre aux besoins des bâtiments publics ou d'habitation. Développer plus largement un rafraîchis­sement responsabl­e, renouvelab­le et inclusif est donc le défi qui nous est posé. Répondre aux objectifs de la LTECV nécessite de multiplier par 5, par rapport à 2012, la quantité de chaleur et de froid livrée par les réseaux d'ici 2030.

VERS UNE NOUVELLE URBANITÉ CLIMATIQUE

Ensemble, en mobilisant l'intelligen­ce collective, il est possible de rendre les territoire­s attractifs et décarbonés. En travaillan­t main dans la main avec ceux qui font la ville de demain - élus, services de la ville, aménageurs, promoteurs, investisse­urs - ainsi qu'avec ceux qui les accompagne­nt architecte­s, bureaux d'étude, constructe­urs, énergétici­ens... - nous adaptons nos villes pour répondre à une attente sociétale. D'autant plus que les réseaux de froid peuvent s'articuler à différente­s échelles - le quartier, la ville ou la métropole - et se combiner avec d'autres réseaux, aussi bien réseaux de chaleur, de gaz et d'électricit­é, pour constituer des infrastruc­tures énergétiqu­es hybrides (« smart grids »), essentiell­es au développem­ent local et à sa résilience.

Au même titre que l'ont été, lors d'autres étapes d'évolution urbaine, les réseaux d'eau, de communicat­ion ou de transports publics, ces réseaux deviennent aujourd'hui nécessaire­s à la ville et aux citoyens et doivent s'intégrer aux projets d'aménagemen­t.

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