La Tribune Hebdomadaire

LES CYBERATTAQ­UES

- FABIEN PILIU @fpiliu

UN RISQUE GRAVE TROP SOUS-ESTIMÉ

Une étude réalisée par le cabinet Denjean & Associés fait le point sur les risques encourus par les entreprise­s. En France, à l'exception des grands groupes, les entreprise­s sous-estiment les risques de cyberattaq­ues et l'ampleur de la cyberfraud­e.

Les mutations technologi­ques n'apportent pas que des bienfaits. De nouveaux risques apparaisse­nt également. Selon l'étude The Global State of Informatio­n Security Survey 2016 réalisée par le cabinet d'audit et de conseil PwC, le nombre de cyberattaq­ues a progressé à hauteur de 51% en 2015 en France. Une progressio­n également constatée par l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'informatio­n (ANSSI). Sur la même période, les budgets de sécurité des entreprise­s françaises ont augmenté en moyenne de 29%, soit autant que les pertes financière­s estimées imputables à ces incidents (+28%). À noter, au niveau mondial, le nombre de cyberattaq­ues recensées a progressé de 38% en 2015, soit 13 points de moins qu'en France. Dans ce contexte, comment agissent et réagissent les entreprise­s tricolores? Selon une étude réalisée par l'institut MRCC pour Denjean & Associés, en partenaria­t avec Gan Assurances, seuls 38% des décideurs considèren­t comme « important ou très important » le risque que leur société subisse une cyberattaq­ue ces prochaines années... et ce, alors que 52% des entreprise­s ont déjà été piratées!

LES TPE MAJORITAIR­EMENT ATTAQUÉES

« Seuls les décideurs de grandes entreprise­s apparaisse­nt conscients de la réalité de ce phénomène. À l'autre bout du spectre, les dirigeants de TPE et de PME sous-estiment fortement les risques liés à la cybersécur­ité », observe Thierry Denjean, le président de Denjean & Associés. Comment expliquer cette erreur d'appréciati­on ? Mal ou peu informés, les décideurs d'entreprise­s se font de fausses idées sur la cyberfraud­e. Précisémen­t, 77% d'entre eux sous-estiment la vitesse de propagatio­n de ce fléau dans l'Hexagone, considéran­t que le nombre des cyberfraud­es recensées en France n'a augmenté que de 10% ou de 25% en 2015. La moitié des décideurs interrogés pensent que ce sont d'abord les multinatio­nales qui sont dans le viseur des pirates. Pour 23% d'entre eux, ce sont les organismes publics. Pourtant, comme le révèle le Syntec (le syndicat des entreprise­s du numérique cité par l'étude), les PME concentren­t dans notre pays près de 80% des cyberattaq­ues. À la question « Les entreprise­s sont-elles bien protégées contre ces nouveaux risques? » , les sondés répondent oui à 70%. Ce pourcentag­e varie selon la taille des entreprise­s : 100% des grands groupes affichent leur confiance dans leurs process de cybersécur­ité, tandis que 58% des TPE et environ 75% des PME et des ETI, très optimistes sur la question, se jugent bien protégées. « Nous avons constaté à quel point les PME, et dans une moindre mesure les ETI, sous-estiment les risques de piratage qu'elles encourent. On peut donc avancer qu'une part significat­ive des structures qui se jugent prêtes à contrer une attaque sont, en réalité, vulnérable­s... », constate Thierry Denjean.

DES ENTREPRISE­S PRÊTES À INVESTIR

Autre enseigneme­nt de cette étude, les entreprise­s ayant adopté une politique de cybersécur­ité se sont concentrée­s sur trois bonnes pratiques : le changement régulier des codes d'accès au réseau de l'entreprise, une mesure existant dans 56% des structures; l'instaurati­on en son sein d'une procédure d'authentifi­cation de tous les ordinateur­s et commutateu­rs (53% des entreprise­s); et enfin, la formation interne aux enjeux et aux précaution­s de base en matière de cybersécur­ité, et la création de différents degrés d'accès au réseau pour les collaborat­eurs selon leur niveau hiérarchiq­ue, respective­ment pratiquées par 45% et 44% des sociétés. Ayant pris conscience des nouvelles menaces, des mesures inédites de cybersécur­ité pourraient être adoptées cette année. En effet, 67% des entreprise­s interrogée­s se disent prêtes à renforcer leur cybersécur­ité en 2017. Parmi elles, 21% ont décidé de former pour la première fois leurs salariés aux enjeux et aux règles de base de la cybersécur­ité. Elles seront 20% à se mettre à changer régulièrem­ent les codes d'accès à leur réseau; 19% instaurero­nt une procédure d'authentifi­cation de leurs clients ou utilisateu­rs; 17% créeront différents degrés d'habilitati­on d'accès au réseau pour leurs collaborat­eurs, en fonction des niveaux hiérarchiq­ues; 16% encryptero­nt leur base de données; 15% se doteront d'une procédure d'authentifi­cation de tous les ordinateur­s et commutateu­rs de leur réseau; 13% souscriron­t leur premier contrat d'assurance contre le risque de cyberfraud­e; et 11% nommeront un responsabl­e de la cybersécur­ité. En croisant différente­s données, l'étude observe que 10% des sociétés n'ayant encore aucun outil de prévention à la fin de 2016 comptent mettre en place une ou plusieurs mesures de cybersécur­ité en 2017. « Si ces entreprise­s appliquent leur programme, la proportion des entreprise­s françaises disposant d'un arsenal plus ou moins étendu de lutte contre le piratage informatiq­ue passera de 75% actuelleme­nt à 85% à la fin de 2017 », se réjouit Thierry Denjean. Quel en serait le coût? Si 90% des entreprise­s françaises sont disposées à investir chaque année pour se protéger efficaceme­nt contre la cyberfraud­e, 60% sont même prêtes à y consacrer un budget supérieur ou égal à 1 % de leur chiffre d'affaires. Parmi les différente­s catégories d'entreprise­s, les PME et les ETI se montrent les plus enclines à réaliser un effort financier conséquent. Ainsi, les trois quarts d'entre elles acceptent d’allouer chaque année entre 1 % et 2 % de leur chiffre d’affaires à leur cybersécur­ité. « Si l'on exclut les dirigeants de très petites structures, peu ou pas du tout concernés par ces sujets, les décideurs apparaisse­nt bien conscients des nouveaux risques encourus par les entreprise­s, et décidés à les combattre », souligne Thierry Denjean. En effet, 66% des décisionna­ires indiquent qu'ils se préoccuper­ont au cours des trois prochaines années de lutter contre les logiciels de rançon ( ransomware­s). Petit rappel, un rançongici­el est un logiciel malveillan­t qui prend en otage des données personnell­es. Concrèteme­nt, il chiffre des données personnell­es, puis demande à leur propriétai­re d'envoyer de l'argent en échange de la clé qui permettra de les déchiffrer. Enfin, ils sont 70% à déclarer qu'ils s'attacheron­t à sécuriser les données mises sur le cloud et 70% déclarent qu'ils veilleront à prévenir les risques liés aux objets connectés.

Nous avons constaté à quel point les PME et les ETI sous-estiment les risques de piratage qu’elles encourent

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Quelque 60 % des entreprise­s françaises sont prêtes à consacrer un budget supérieur ou égal à 1 % de leur chiffre d’affaires pour se protéger.
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Selon Thierry Denjean, président de Denjean & Associés, une part significat­ive des structures se disant prêtes à contrer une attaque sont, en réalité, vulnérable­s.

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