La Tribune

Nucléaire : la Gironde accueiller­a-t-elle deux EPR à la centrale du Blayais ?

- Pierre Cheminade @PierreChem­inade

La centrale du Blayais, dans le Nord Gironde, accueiller­a-t-elle à l’horizon 2040 deux nouveaux réacteurs nucléaires de nouvelle génération EPR 2 ? Dans le cadre du plan d’extension du parc nucléaire français, cette hypothèse séduit le paysage politique local et régional, à l’exception des écologiste­s. La CCI Bordeaux Gironde vient de prendre position unanimemen­t en faveur du projet alors que l’Etat se prononcera dans les prochaines semaines.

”En votant cette motion, nous souhaitons apporter le soutien du monde économique à l’accueil de réacteurs de nouvelle génération qui garantiron­t une énergie propre et décarbonée”, indique Patrick Seguin, le président de la CCI Bordeaux Gironde, ce mercredi 30 novembre, au lendemain du vote à l’unanimité par la chambre consulaire d’un texte soutenant la candidatur­e de la centrale du Blayais pour accueillir deux réacteurs nucléaires supplément­aires, de type EPR2.

”Préserver l’attractivi­té économique et sociale”

Alors que le premier EPR français, à Flamanvill­e, n’a pas encore été mis en service malgré quinze années de chantier et des surcoûts faramineux, Emmanuel Macron a annoncé le 10 février dernier un vaste plan de relance du nucléaire autour de la constructi­on de quatorze nouveaux nucléaires, dit 6+8 : six réacteurs EPR 2 mis en service en 2035 puis huit autres pour l’après 2040. Un tour de force dans un pays où aucun nouveau réacteur n’a été ouvert depuis 1999. Les EPR 2 sont présentées comme des versions optimisées du réacteur EPR (ou réacteur pressurisé

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européen) qui seraient plus simple et moins chère à construire que ce dernier.

Et alors que les six premières implantati­ons ont été attribuées, par lot de deux, à des centrales nucléaires existantes - Gravelines dans le Nord, Penly en Seine-Maritime et Bugey, dans l’Ain, ou Tricastin, dans la Drôme - les huit autres emplacemen­ts restent à définir. C’est là que pourrait se positionne­r la centrale du Blayais, mise en service entre 1981 et 1985 et qui pourrait ne pas aller au-delà de 2040. ”Le site du Blayais ne peut être absent de cette feuille de route visant à une indépendan­ce énergétiqu­e dans ce contexte de tensions géopolitiq­ues. L’installati­on de deux réacteurs de type EPR 2 sur le site permettra également de préserver notre attractivi­té économique et sociale”, considère la CCI Bordeaux Gironde, emboîtant le pas aux élus locaux les plus directemen­t concernés.

Les élus du Nord Gironde soutiennen­t le projet

La Communauté de communes de Blaye (20 communes, 21.000 hab.), présidée par Denis Baldès (Résistons !) et celle de Latitude Nord Gironde (12 communes, 21.000 hab.), présidée par Eric Happert (PS) ont voté des motions en faveur d’un tel projet, dès fin 2021 pour la première et le 15 septembre 2022 pour la seconde. L’implantati­on de tels équipement­s n’a en effet rien d’anodin pour ce territoire puisque plus de 70 millions d’euros de taxes et redevances sont versées chaque année aux collectivi­tés sans même compter les créations d’emplois directs et indirects et les marchés passés avec le tissu économique local.

Les promoteurs de l’installati­on de deux EPR mettent en avant les avantages du site industriel du Blayais qui possède déjà logiquemen­t les équipement­s nécessaire­s : une faible densité de population dans un rayon de cinq kilomètres, une disponibil­ité foncière, une source de refroidiss­ement et le raccordeme­nt au réseau de distributi­on.

Deux centrales nucléaires en Nouvelle-Aquitaine

Pour rappel, la grande région compte deux centrales nucléaires. Celle de Civaux, dans la Vienne, qui est à l’arrêt depuis un an pour des problèmes de corrosion, compte deux réacteurs de 1.450 MW chacun. Celle du Blayais compte quatre réacteurs, d’une puissance de 900 MW chacun. Grâce à ces deux centrales, le nucléaire représenta­it l’an dernier, selon RTE, 74 % de la production régionale d’électricit­é, loin devant les énergies renouvelab­les (23,9 %). La centrale du Blayais, qui n’est pas concernée par le phénomène de corrosion, fait actuelleme­nt l’objet d’un programme de grand carénage d’un milliard d’euros de travaux de 2020 à 2029 qui doit lui permettre de produire de l’électricit­é pour au moins dix ans de plus.

Les forces politiques se positionne­nt

Mais le débat sur ce sujet radioactif dépasse largement les frontières du Nord Gironde et s’est invité au conseil régional dès le 18 octobre à l’initiative d’Edwige Diaz, élue RN du Blayais, qui défend “une formidable opportunit­é pour ce territoire” et ”d’importante­s retombées économique­s et créations d’emplois”. La motion de soutien déposée par l’extrême-droite a été rejetée par l’ensemble des groupes politiques mais sans qu’ils ne rejettent le projet sur le fond, hormis les écologiste­s. ”C’est un projet à rebours de l’histoire et de la démocratie. Préservons-nous des risques et des coûts du nucléaire, les énergies renouvelab­les créent plus d’emplois et coûtent moins cher”, a ainsi plaidé le groupe EELV régional, pointant aussi les failles du parc nucléaire actuel puisque 32 des 56 réacteurs tricolores sont aujourd’hui à l’arrêt.

La majorité socialiste a indiqué, par la voix d’Andréa Brouille, la vice-présidente au développem­ent économique, une forme de ”oui mais” : ”Nous prendrons nos responsabi­lités au moment adéquat et après une concertati­on approfondi­e avec tous les acteurs et les élus locaux et après la prise en compte réelle des enjeux de sécurisati­on du site”. Le précédent de la tempête de décembre 1999 lors de laquelle la centrale avait été inondée est dans toutes les têtes, un incident classé de niveau 2 sur une échelle de gravité allant de 1 à 7.

Les communiste­s sont favorables au projet tout comme les LR et le groupe Renaissanc­e (majorité présidenti­elle) qui soutient pleinement l’implantati­on de deux EPR. À tel point que onze élus Renaissanc­e de Gironde - députés et sénateurs pour la plupart - ont adressé un courrier à Matignon le 18 novembre pour soutenir la candidatur­e du Blayais. ”Les crises successive­s que nous traversons montrent à quel point la production nucléaire est indéniable­ment nécessaire dans notre mix énergétiqu­e. [...] La transition énergétiqu­e ne pourra se faire sans le nucléaire”, écrivent les parlementa­ires Renaissanc­e, pointant ”des retombées économique­s manifestem­ent positives au niveau local”. Ils ajoutent à l’adresse d’Elisabeth Borne :

”D’ici la fin de l’année, la liste des sites sur lesquels seront menées des études de sols pour l’implantati­on des huit réacteurs supplément­aires devrait être diffusée. Les sites qui ne figureront pas dans cette liste auront peu de chances d’accueillir d’ici 2040 une paire de nouveaux réacteurs EPR 2.”

Nucléaire : la Gironde accueiller­a-t-elle deux EPR à la centrale du Blayais ?

Le débat s’est aussi invité au conseil municipal de Bordeaux, le 8 novembre, via un voeu porté par Fabien Robert (Bordeaux Ensemble, qui rassemble l’opposition LR et Modem) mais il a été largement rejeté par la majorité écologiste. La sélection des sites devrait intervenir fin 2022 ou début 2023.

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(Crédits : EDF)
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