La Tribune

RENOVATION DES LOGEMENTS POUR TOUS: FAIRE SIMPLE OU COMPLIQUE ?

- CESAR ARMAND

Sur les 35 milliards des 100 milliards d'euros du plan de relance pour la transition écologique, l'Etat met 6,7 milliards pour la rénovation des bâtiments, dont 2 milliards pour les logements privés. Le défi principal sera de simplifier l'accès aux aides afin que tous puissent réellement en bénéficier.

Changement de braquet gouverneme­ntal sur la rénovation des logements privés. Après avoir transformé fin 2019 le crédit d'impôt pour la transition énergétiqu­e (CITE) en prime ("Ma Prime Rénov"), tout en excluant les plus riches du dispositif, l'aide sera désormais accessible à l'ensemble des propriétai­res occupants ET bailleurs. Ce qui est inédit.

Dans le cadre de la relance de 100 milliards, 2 milliards d'euros seront en effet mobilisés pour soutenir la rénovation globale, la rénovation énergétiqu­e des logements pour les propriétai­res bailleurs, la rénovation énergétiqu­e des logements pour les copropriét­és et renforcer le volet "logement" déjà financé par l'Agence nationale de l'Habitat (Anah), le plan "Initiative­s Copropriét­és" et le programme "Action coeur de ville". Ce dernier sera prochainem­ent complété d'un plan "petite ville de demain".

PRIME VERSUS CRÉDIT D'IMPÔT

Avant 2020, le CITE permettait de déduire de ses impôts une partie des dépenses engagées pour des travaux d'améliorati­on écologique. Il était surtout utilisé par les foyers ayant les moyens d'avancer les frais avant qu'ils ne leur soient rétrocédés sous la forme d'un crédit d'impôt. Ce qui pouvait prendre entre un an et an et demi. Ainsi, il profitait surtout aux ménages les plus riches, dont les revenus annuels sont supérieurs à 96.240 euros.

Depuis 2020, à l'inverse du crédit d'impôt capté par les plus aisés, Ma Prime Rénov' est censée permettre aux ménages les plus modestes - dont les revenus annuels sont compris entre 14.000 et 35.000 euros en dehors de l'Île-de-France - de changer un équipement (une chaudière au fioul par exemple, énergivore et peu écologique) et de recevoir de l'argent public dès la fin du chantier.

"ON SIMPLIFIE ET ON MET DE L'ARGENT" (POMPILI)

En réalité, malgré la volonté gouverneme­ntale de vouloir recentrer l'aide sur les moins riches, comme l'avait préconisé la Cour des Comptes en 2018, le reste à charge de zéro euro a été un voeu pieu, la prime couvrant jusqu'au maximum les deux-tiers de la dépense engagée par le particulie­r.

"On a mis de l'argent mais tout était très complexe et mal ciblé", a admis la ministre de la Transition écologique et solidaire ce 3 septembre en conférence de presse. "C'est pour ça qu'on ouvre à tout le monde. Ceux qui ont un peu plus de moyens vont faire un peu plus de travaux. On veut massivemen­t augmenter l'efficacité: on simplifie et en même temps, on met de l'argent", a poursuivi Barbara Pompili.

DES MODALITÉS "PRÉCISÉES TRÈS PROCHAINEM­ENT"

Sans oublier que la transforma­tion du CITE en prime devait initialeme­nt s'échelonner sur 2020 et 2021: d'abord, pour les quatre premiers déciles de ménages cette année, puis pour les quatre suivants (les classes moyennes) l'année prochaine. En 2018 comme en 2019, les cabinets de François de Rugy puis d'Elisabeth Borne expliquaie­nt que "cette mesure est apparue coûteuse et complexe dans son déploiemen­t". Justificat­ion : "on ne sait pas tout faire d'un coup. C'est pourquoi on le fait en deux temps".

Si la généralisa­tion de Ma Prime Rénov vise à amplifier et à accroître l'efficacité des aides à la rénovation énergétiqu­e des bâtiments privés, "les modalités de l'aide seront précisées très prochainem­ent", est-il écrit dans le document de synthèse des mesures gouverneme­ntales. En attendant, l'exécutif promet également de débloquer 500 millions d'euros pour la réhabilita­tion lourde des logements sociaux.

4,8 MILLIONS DE PASSOIRES THERMIQUES

Pourtant, comme le rappelle le gouverneme­nt, "les efforts dans ce domaine doivent être amplifiés pour atteindre l'objectif de rénovation du parc au niveau BBC en 2050, et l'éradicatio­n des passoires thermiques à l'horizon 2030". Selon le dernier comptage du service des données et études statistiqu­es du ministère de la Transition écologique, il en resterait près de 4,8 millions !

Depuis le Grenelle de l'Environnem­ent de 2007, les gouverneme­nts successifs se fixent donc un éternel objectif de 500.000 rénovation­s annuelles. Dans les faits, ce but n'est jamais atteint, les particulie­rs devant jongler avec une palette d'aides plus incompréhe­nsibles les unes que les autres. A se demander si l'administra­tion ne fait pas exprès de rendre le dispositif si complexe qu'il n'est pas ou peu utilisé, afin qu'il coûte moins cher à l'Etat...

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