L’adieu aux bêtes
Rares sont les films qui parviennent à nous immerger dans un univers professionnel sans se réfugier dans un naturalisme pseudo- documentaire. Le petit paysan du titre, c’est Pierre, jeune éleveur de vaches laitières qui gère seul l’exploitation familiale que ses parents lui ont confiée. Attaché de façon obsessionnelle à son troupeau, il commence à développer une forme de paranoïa en apprenant qu’une maladie semble se répandre en Europe, obligeant à des abattages systématiques. Il va en venir aux pires extrémités… Dès la première scène, à l’onirisme troublant, le film installe un climat oppressant, à la lisière du fantastique.
Borderline Issu du milieu qu’il décrit, Hubert Charuel filme avec précision les gestes et difficultés de ce quotidien, mais sans jamais se tenir au simple constat sociologique. Le récit tient sur une ligne de crête assez miraculeuse entre réalisme et thriller quasi- horrifique. Car Petit Paysan est aussi le portrait d’un homme borderline, incarné par l’étonnant Swann Arlaud, bouffé de l’intérieur par sa solitude absolue, celle de son métier mais aussi celle qu’il s’impose. Hubert Charuel tient parfaitement un propos sur le monde paysan, assez désespéré, qui passe avant tout par une mise en scène à la beauté nocturne et la pertinence d’un casting qui confronte comédiens amateurs et professionnels. On tient le film français le plus dérangeant et le plus puissant de l’année.