Des diamants pour faire la lumière sur les maladies mentales
Une technique fondée sur des nanoparticules de diamant fluorescentes a permis de suivre le transport de molécules au sein des neurones, ouvrant la voie à la recherche de nouveaux médicaments.
LES NANODIAMANTS FLUORESCENTS NE SONT PAS TOXIQUES ET PEUVENT ÊTRE PRODUITS À BAS COÛT
Quel est le point commun entre la maladie d’Alzheimer et les troubles du spectre autistique, maladie neurophy chiatrique ? Un dysfonctionnement des neurones dû à des mutations génétiques qui perturbent le transport des molécules au sein des neurones. Or un neurone ne peut fonctionner que si le transport moléculaire est efficace. Faute de technique suffisamment sensible, étudier ce transport et ses anomalies était difficile. Pour combler ce manque, une équipe pilotée par François Treussart, du laboratoire Aimé-Cotton à Orsay, en collaboration avec celles de Michel Simonneau, du Centre de psychiatrie et de neurosciences à Paris, et de Huan-Cheng Chang, de l’Institut des sciences atomiques et moléculaires à Taipei, a mis au point une nouvelle méthode utilisant de minuscules sondes : des nanoparticules de diamant de 30 nanomètres qui émettent une fluorescence après avoir été exci- tées par une source lumineuse. « Ces nanoparticules rentrent dans le neurone par un processus naturel, explique Simon Haziza, auteur principal de l’étude. Chacune se retrouve englobée dans une vésicule et suit le flot du transport moléculaire. Leur fluorescence est alors enregistrée par vidéo microscopique. » L’équipe a ainsi pu suivre leur trajectoire le long des dendrites et des axones (*) de neurones de souris mis en culture (1). L’utilisation des nanodiamants fluorescents présente des avantages. Ils ne sont pas toxiques pour les cellules et peuvent être produits à bas coût, leur capacité à émettre une fluorescence ne faiblit pas avec le temps et ne perd pas en intensité. Afin d’évaluer la sensibilité de cette approche pour l’étude de défauts du transport intraneuronal, les auteurs ont incubé les neurones avec de faibles concentrations d’une protéine clé de la maladie d’Alzheimer, la ß-amyloïde. Cette dernière est connue pour s’agréger anormalement entre les neurones à un stade précoce de la maladie. Le suivi des nanodiamants a mis en évidence une diminution de la vitesse du transport moléculaire, comme l’avaient révélé de précédentes études, via d’autres techniques d’imagerie, mais pour des concentrations en ß-amyloïde de 10 à 100 fois plus importantes (2).
APPLICATIONS MULTIPLES
L’équipe a ensuite engendré deux lignées de souris génétiquement modifiées pour mimer la surproduction de deux protéines observée au sein des neurones de patients autistes. Le suivi des nanodiamants a mis en évidence une accélération du transport neuronal pour la première et un ralentissement pour la seconde. « C’est une belle preuve de concept, souligne Jean-Charles Arnault, directeur de recherche au CEA. Car il s’agit de la première mesure directe des effets de mutations génétiques sur le transport intraneuronal en utilisant une nanoparticule. » Les applications sont multiples. En plus d’étudier l’effet d’autres mutations génétiques repérées chez des malades sur le transport intraneuronal, Jean-Charles Arnault note que « ces nanodiamants pourraient être utilisés pour valider l’efficacité de potentiels médicaments dans la restauration du transport neuronal ».