Rosetta ou le voyage dans la mémoire du cosmos
En septembre dernier, l’orbiteur Rosetta s’est écrasé sur la comète Tchouri qu’il explorait depuis deux ans, marquant la fin d’une mission qui a bouleversé la vision que nous avions de ces objets primitifs du Système solaire.
La mission Rosetta nous en a appris plus sur les comètes que toutes les missions précédentes. Elle restera l’une des grandes étapes de l’exploration du Système solaire », apprécie Jean-Pierre Bibring, de l’Institut d’astrophysique spatiale à Orsay et responsable scientifique français de Philae, l’atterrisseur qui s’est posé sur la comète. Après deux années d’analyses de données, clap de fin le 30 septembre 2016, lorsque les scientifiques terminent la mission en faisant s’écraser Rosetta sur la surface cométaire. Avant cette mission historique, notre vision des comètes était très partielle. On les pensait constituées essentiellement de glace d’eau, avec des grains sombres piégés à l’intérieur, d’où la dénomination « boule de neige sale » que l’on apprenait à l’école. « Première surprise, c’est pratiquement le contraire que nous révèle la mission Rosetta, explique Jean-Pierre Bibring. L’essentiel de la comète, ce n’est pas de la glace, mais des grains constitués de molécules organiques – à base de carbone – et qui servent de ciment, de matrice dans laquelle sont piégés des grains de glace et de silicates. » Ce matériau organique a été observé dans tous les états – gazeux et solide –, aussi bien en orbite, à partir des instruments embarqués sur Rosetta, que du sol à l’aide des instruments de Philae, l’engin qui a atterri sur la comète le 12 novembre 2014. Quelles molécules composent ce matériau ? L’analyse chimique du gaz émis par la comète – sa chevelure – a été réalisée par Rosina, spectromètre de masse de haute résolution situé sur Rosetta. Les résultats sont impressionnants. « Quelques semaines après l’arrivée de Rosetta à proximité de Tchouri, en 2014, Rosina avait déjà détecté toutes les molécules que l’on connaissait auparavant dans les comètes. Et, progressivement, il a allongé cette liste ; la chevelure renferme un véritable zoo de molécules, dont la plupart sont des molécules organiques », raconte Hervé Cottin, astrochimiste au laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques et professeur à l’université Paris-Est Créteil. Dans cette liste, la principale surprise a été la teneur élevée en dioxygène (O ) – quelques pourcents –, dont on
2 n’explique pas bien l’origine.
BRIQUES ÉLÉMENTAIRES DU VIVANT
Parmi les composés organiques, on note la présence d’hydrocarbures aromatiques, tels le naphtalène, le xylène, le benzène ou le toluène. Des dizaines de petits composés aromatiques ont été ainsi mis en évidence (1). L’autre détection notable est celle de la glycine. Cet acide aminé entre dans la composition de nombreuses protéines biologiques. Certes, de la glycine avait été mise en évidence dans le matériau récolté par la sonde Stardust dans la chevelure de la comète 81P/Wild et rapporté sur Terre en 2006,