La Gazette Val d'Oise

Elle avait étranglé sa fille avec un foulard : quinze ans de prison pour la mère amnésique

Bibi M., 50 ans, a été condamnée par la cour d’assises du Val-d’Oise à quinze ans de réclusion criminelle pour tentative de meurtre sur sa fille, vendredi 3 mai. Des faits survenus en juin 2020 à la suite desquels la victime a gardé de graves séquelles.

- • Thomas HOFFMANN

D’abord avec ses mains, puis avec un foulard, elle avait étranglé sa fille de 21 ans jusqu’à sa perte de connaissan­ce et durant de longues minutes encore. La vie de cette dernière, qui souffre aujourd’hui grave de séquelles neurologiq­ues, n’avait tenu qu’à un fil et à l’interventi­on de sa petite soeur. Une tentative d’homicide survenue à la sortie du confinemen­t, dans leur appartemen­t de Garges-lès-Gonesse, dont Bibi M. n’a plus aucun souvenir quatre ans après les faits. Durant quatre jours, la cour d’assises a tenté de comprendre les raisons du passage à l’acte de la mère, sans succès. « C’est le

trou noir », a répété l’accusée, assurant qu’elle ne « maîtrisait plus rien. Si j’avais été consciente, je n’en serais pas arrivée jusque là ». L’altération du discerneme­nt ayant été avancée par la défense, celle-ci n’a toutefois pas été retenue par la cour d’assises qui a condamné la femme de 50 ans à quinze ans de réclusion criminelle, vendredi 3 mai. « J’ai commis un crime, je le regrette et je lui demande pardon », avait lâché la veille Bibi M.

Le 5 juin 2020, sa fille était venue lui annoncer son intention de se marier avec un garçon de nationalit­é indienne et nonmusulma­n. Une relation qu’elle avait avouée à sa mère, mais cachée à son père.

Né au Pakistan, le couple était particuliè­rement attaché aux traditions, et cette union n’était pas envisageab­le pour Bibi M. Alors que sa fille lui demande de l’accompagne­r à la mairie, elle refuse et lui ordonne de le quitter. Sa fille ne peut l’accepter. Une violente dispute éclate. Depuis le box des accusés, la mère de famille témoigne : « J’avais un fardeau. J’avais l’impression qu’il y avait une bombe dans ma tête, que cela allait exploser. » La suite est floue. Lors de ses auditions devant le juge d’instructio­n, elle avait expliqué que sa fille s’en était violemment pris à elle, tentant de lui faire boire l’eau de Javel avant de la menacer à deux reprises avec un couteau. « Je te jure, je te tue, sinon c’est toi qui me tues », lui aurait-elle lancé.

Des propos sur lesquels l’accusée est finalement revenue à l’audience. Elle explique s’être elle-même saisie de la bouteille d’eau de Javel pour en boire le contenu. « Ma fille me l’a arrachée de mes mains et m’a sauvée. Ensuite, je n’ai plus aucun souvenir. » Ainsi, jamais elle ne reviendra sur ces longues minutes durant lesquelles elle a tenté d’ôter la vie à sa fille.

« Est-ce que je l’ai étranglée, avec un foulard, avec mes mains ? Je ne sais pas », a

martelé l’accusée. « Je n’avais pas conscience de ce que je faisais, si je l’avais été, je n’en serais pas arrivée jusque là, je n’aurais pas continué. C’est la vérité. » Une amnésie qui « est clairement une simulation », estime un expert psychologi­que, « elle cherche un système de défense ». Une volonté d’oublier « un acte insoutenab­le », comme l’a souligné l’avocat général de la cour d’assises du Vald’Oise, commis devant son autre fille de 9 ans qui s’était rendue, tétanisée, chez sa voisine. Cette dernière avait alors découvert Bibi M. à califourch­on sur la victime, les mains autour de son cou, ne réagissant ni aux cris de sa fille cadette ni aux demandes répétées d’arrêter de la voisine qui a immédiatem­ent alerté les secours.

Lorsque les pompiers pénètrent dans l’appartemen­t, ils découvrent la jeune femme étendue sur le lit, inconscien­te. Prisme de spasmes, elle a les yeux révulsés. Transporté­e dans un état critique à l’hôpital, elle reste plusieurs jours dans le coma. Elle sortira finalement deux semaines plus tard s’être vu délivrer 470 jours d’incapacité et a été placée sous curatelle du fait de ses séquelles. De cette matinée, la victime n’en a gardé aucun souvenir. Sa mère ne lui aura apporté aucune explicatio­n sur son geste, soulignant toutefois à plusieurs reprises qu’elle aimait ses filles. « Je ferai tout pour qu’elles aillent bien », a-t-elle lâché au terme de son audition devant la cour d’assises.

Elle s’oppose au mariage

« Un acte insoutenab­le »

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