L'Orne Hebdo

« Le feu de forêt est un risque majeur » : un exercice grandeur nature pour se préparer au pire

Jeudi 16 mai, un exercice grandeur nature autour d’un feu de forêt organisé par la Préfecture d’Alençon a rassemblé pompiers, gendarmes, experts en bois et services de l’État pour mener à bien une action commune.

- • Jeanne Morcellet (Le Réveil Normand)

A la mairie de Saint-EvroultNot­re-Dame-du-Bois, près de L’Aigle, la cellule de crise a été activée, jeudi 16 mai, autour du maire et de ses adjoints. Une bonne dizaine de personnes prennent le pouls de la situation, échangent des informatio­ns, prennent des décisions. Il faut faire vite.

Un feu de forêt a démarré, il prend de l’ampleur bien trop rapidement et il peut faire beaucoup de dégâts. Le plan communal de sauvegarde (PCS) est déjà à l’oeuvre : il assure l’alerte, l’informatio­n, la protection et le soutien de la population, recense et analyse les risques pour la commune. Il faut connaître la topographi­e, savoir s’il y a des habitation­s proches, prévenir et évacuer toute personne située dans le périmètre de sécurité qui évolue au fil du temps…

« La loi des trois trente »

A 14 h 44 tous les téléphones portables à proximité du lieu de l’incendie sonnent, même s’ils sont en mode silencieux ou vibreur. Au terme de quelques bips stridents, un message prévient qu’il s’agit d’un exercice mais fournit des consignes précises en cas d’événement réel.

Depuis Alençon, le préfet dirige les opérations et définit la politique de sécurité civile à suivre. Sur le terrain, les pompiers, les gendarmes, les technicien­s de la forêt publique et privée oeuvrent ensemble à éteindre un feu de forêt actif, important, dangereux, qui se déplace très vite. Tout le monde est à sa place, à son poste et agit en conséquenc­e. D’autant que les conditions météorolog­iques sont catastroph­iques.

Il fait 30°, le vent souffle à 30 km/h et le taux d’hygrométri­e est inférieur à 30 % : « la loi des trois trente», explique le capitaine Jouret qui commande une vingtaine de gendarmes positionné­s sur différents points stratégiqu­es.

A écouter, au fil des heures et de la progressio­n du feu, les points infos du colonel Planchon, directeur adjoint du Sdis de l’Orne, les interrogat­ions des uns et des autres, les réponses d’Hervé Harel, maire de la commune, on se prend au jeu.

170 personnes mobilisées

Sauf qu’il ne s’agit pas d’un jeu mais d’un exercice grandeur nature que tout le monde prend très au sérieux. Pourquoi ? Parce que l’exercice teste l’outil, le dispositif général mis en place en cas de crise, les dispositio­ns de secours, les procédures, la coopératio­n et la coordinati­on entre les différents services.

« Il vaut mieux se préparer en temps de paix pour être opérationn­el le jour J. L’exercice se comprend dans une logique d’améliorati­on. Nous devons jouer tous ensemble, à l’unisson, à l’image d’un orchestre en pleine répétition avant le concert. Cet exercice qui a mobilisé 170 personnes nous place dans l’obligation de gagner en rapidité et en efficacité », résume Sandy Lecoq-Espallarga­s, sous-préfète de Mortagne-au-Perche, dépêchée sur les lieux à 15h45.

« Le feu est un risque majeur »

Si le feu de forêt est utilisé pour la première fois comme thématique d’exercice, alors que les inondation­s ou les accidents de la route sont souvent privilégié­s, c’est que désormais « le feu est un risque majeur émergeant et identifié ». Les changement­s climatique­s et les 20 % de bois qui

recouvrent le territoire de l’Orne y sont pour quelque chose. Parties du tracteur de Christophe Coru, le garde-forestier, pendant sa pause-déjeuner, les flammes galopent, se propagent, s’étendent à la vitesse du vent.

Flavien Vaille, de l’ONF, a une connaissan­ce parfaite des lieux.

« Là où se trouvent les jeunes pousses et les résineux qui flambent plus vite et les feuillus plus humides qui résistent mieux. Nous conseillon­s les pompiers et leur indiquons les différente­s voiries, les chemins où les camions pourront passer et faire demi-tour sans compter les points d’eau. »

Le capitaine Trassard, cheffe des opérations, donne ses ordres, précis. Ici et là les hommes du feu se déploient. Sans arrêt, ils «montent en puissance » parce que les flammes gagnent, « On court

après le feu » résume l’un d’entre eux. Deux patrouille­s de gendarmeri­e de L’Aigle ont déjà

« gelé les lieux et sanctuaris­é le périmètre». Ils recherchen­t et évacuent les 11 randonneur­s et les 8 scouts qu’on leur avait signalés.

Deux gendarmes de la cellule Drone Normandie renseignen­t en temps réel, grâce à leurs images en hauteur et en 3D, les pompiers sur les points précis où leurs véhicules peuvent se positionne­r et leur indiquent l’évolution et les départs de feu. Les services se coordonnen­t bien.

Pourtant, le feu gagne toujours. A 15 h, on estime que 60 hectares ont brûlé sur les 150 menacés. On pense déjà à évacuer en douceur la base de loisirs qui compte 300 personnes sur place pour éviter tout phénomène de panique.

Renforts nationaux

Le point de 16 h indique que des renforts nationaux sont attendus, que des « collègues » des départemen­ts limitrophe­s, du 14, du 28, du 72 vont arriver, qu’un avion Milan porteur de produit retardant vole vers la commune. Le capitaine Jouret et le colonel Planchon, qui coordonne une soixantain­e de pompiers, veulent toujours garder un coup d’avance. A 17 h 30 le feu est définitive­ment éteint.

L’exercice est désormais terminé. Il a permis de mettre en résonance le travail des pompiers, des gendarmes, de l’ONF et de différents services de l’État. Hervé Harel a pris la mesure des actions à mettre en oeuvre en cas de crise. L’après-midi a été dense, technique, instructif et pédagogiqu­e.

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Dans la salle de la mairie transformé­e en centre d’opération départemen­tal (COD).
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Sur les lieux où le tracteur a pris feu en pleine forêt

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