LE DÉTAIL QUI TUE
LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND
Du Sergio Leone pur jus : pour les fans, c’est le bonheur en trois heures ; pour les non-convertis (dont je suis), c’est un pensum interminable. On y retrouve tous les tics du cinéaste italien : en premier lieu, sa propension à étirer chaque plan, chaque séquence et chaque scène à l’infini. On regarde des bottes dans la poussière, des yeux dans l’ombre d’un chapeau, des mains sur le ceinturon et rebelote. Des bottes dans la poussière, des yeux dans l’ombre d’un chapeau, des… Le trait de génie, c’est le casting : Clint Eastwood, propulsé au rang de superstar grâce aux deux films précédents (« Pour une poignée de dollars », « Et pour quelques dollars de plus ») ; Lee Van Cleef, éternel badass des westerns américains, trouve ici le rôle qui lui offrira une seconde carrière ; et Eli Wallach, le cabot survolté des « Misfits » et de « Genghis Khan », est suiffeux à souhait. L’autre bonus, c’est la musique d’Ennio Morricone qui s’est visiblement amusé : avec des sifflements, des détonations, des yodels (des yodels ? Wow !), le compositeur a signé une partition mémorable. Leone, lui, de son côté, aura beau expliquer à perte de vue que cette guéguerre entre trois as de la gâchette sur fond de (vraie) guerre de Sécession est un pamphlet contre la violence, une tentative de démystification du western, un examen de la moralité de l’individu, la réalité est que, primo, Leone a fait appel aux scénaristes les plus en vue du cinéma italien (Incrocci et Scarpelli), donc à la tradition ; deuzio, il n’a accepté de faire le film que pour l’argent (le contrat qui lui a été proposé était pharaonique). Tournage survitaminé (très gros budget), chaos habituel (Leone n’était pas un as de l’organisation), scènes dangereuses à exécuter, obsession des détails, décors à Almería… Comme prévu, « le Bon, la Brute et le Truand » fit un carton à sa sortie : dans le monde entier, raz-de-marée. Entre parodie et enflure du spectacle, le film a vieilli, et le format Scope, exploité à fond par Leone (avec raison), passe mal à la télé. Le metteur en scène signera encore un autre western, « Il était une fois dans l’Ouest », gagnant l’admiration de Quentin Tarantino et de Stephen King.