Les cavaliers foudroyés
FRANZ MARC/AUGUST MACKE. L’AVENTURE DU CAVALIER BLEU, MUSÉE DE L’ORANGERIE, PARIS-1ER ; WWW.MUSEE-ORANGERIE.FR. JUSQU’AU 17 JUIN. CATALOGUE : MUSÉES D’ORSAY ET DE L’ORANGERIE/HAZAN, 192 P., 39,95 EUROS.
Ils étaient deux amis. En 1910, lorsque August Macke âgé de 23 ans découvre dans une galerie de Munich le travail de Franz Marc, son aîné de sept ans, il tombe sous le charme de ces tableaux « étranges », hantés par une onde « primitive ». Tous deux ont regardé Cézanne, Gauguin puis les avant-gardes parisiennes, le fauvisme d’abord, le cubisme ensuite. Leur rencontre avec Kandinsky les amènera à participer à l’aventure du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter), groupe au destin météoritique qui fut l’un des lieux de l’affirmation de l’expressionnisme et, en même temps, une plateforme de rencontres et d’échanges à travers les expositions regroupant des oeuvres de Braque, Picasso, Derain, le Douanier Rousseau.
Pour proches qu’ils soient , Marc et Macke n’en ont pas moins des vues divergentes. La très belle exposition présentée à l’Orangerie – la première de cette envergure à Paris – confronte habilement les oeuvres sans chercher cependant à les opposer. Mieux : des tableaux de Cézanne, du Douanier Rousseau, de Kandinsky viennent judicieusement éclairer ce parcours. Les premières toiles de Marc montrées ici sont imprégnées par le sentiment d’une nature omniprésente : dans « Cavalier sur la plage » ou « Etude verte », le geste du peintre épouse les modulations chromatiques de l’eau ou de la végétation. Macke, lui, reste plus près de ses modèles, Gauguin pour son « Torrent de forêt », Cézanne pour « Portraits avec pommes ». Chez Marc la couleur épouse la forme, chez Macke, elle la fait surgir.
Leur rencontre à Paris avec Delaunay en 1912 se révèle décisive. L’espace de la toile devient kaléidoscope, les formes se diffractent. Les « Ecuries » de Franz Marc, la « Promenade en forêt » de Macke laissent poindre la tentation d’une abstraction à laquelle aucun cependant des deux ne succombera. Macke fera le voyage en Tunisie avec Paul Klee : il en rapportera des aquarelles aux tons apaisés (« Homme sur un âne »). Marc, lui, voit venir un danger : en 1913, ses « Loups » noirs et rouges forment la sinistre avant-garde de la première guerre des Balkans. Macke et Marc seront mobilisés au début de la Première Guerre mondiale. Tous deux vont mourir au front, le premier en 1914, le second en 1916.