L'Obs

Les damnés de la Jungle

Ancien flic et petit-fils d’émigrés polonais, Olivier Norek signe ici une peinture apocalypti­que de la Jungle de Calais

- ENTRE DEUX MONDES, PAR OLIVIER NOREK, MICHEL LAFON, 414 P., 19,95 EUROS. CLAIRE JULLIARD

Ancien humanitair­e, officier de police en disponibil­ité, Olivier Norek appartient à une lignée de flics-écrivains qui va de Roger Borniche à Roger Le Taillanter ou Hugues Pagan. Toutefois ce nouveau venu au style quasi scénaristi­que a d’autres ambitions : par sa plume il se veut justicier. Ses romans tiennent de la chronique sociale, du reportage journalist­ique dans la forme comme dans le fond. « Territoire­s » décrivait la collusion entre politiques et délinquant­s des cités. « Surtension­s » plongeait dans l’horreur carcérale. « Entre deux mondes » est une peinture apocalypti­que de la Jungle de Calais, dans laquelle il s’est immergé plusieurs semaines. En 2016, Adam, ex-flic, membre d’une cellule rebelle de l’armée syrienne de Bachar al-Assad, envoie sa femme et sa fille en France pour qu’elles l’y attendent en sécurité. Mais arrivé à Calais, il les cherche en vain. Et découvre le plus grand bidonville d’Europe, la Jungle, un no man’s land effrayant dans lequel des exilés errent en espérant accéder à l’eldorado britanniqu­e. Adam prend sous son aile un enfant soudanais victime d’agressions sexuelles. Il rencontre alors Bastien, jeune lieutenant français fraîchemen­t affecté dans le secteur, et lui propose son aide en échange d’informatio­ns sur les disparues. Plutôt qu’un polar, ce livre est un roman noir teinté d’espionnage. Pour Norek, le petit-fils d’émigrés polonais, le thème de l’accueil des réfugiés relève du devoir de mémoire. Avec un réalisme poignant, il dénonce l’existence d’une zone de non-droit dans une démocratie, un univers où l’on peut tuer en toute impunité. Il pointe aussi le désarroi des policiers confrontés à ce désastre. Marquant, choquant, l’ouvrage provoque une prise de conscience, un réveil. Certes, la Jungle a été démantelée, mais d’autres se forment ailleurs. Armé de sa caméra-stylo, Norek montre que la question des « flux migratoire­s » n’est pas un sujet de société mais un problème humain.

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