L'Obs

JACQUES AUDIARD

- Par HAMÉ Rappeur, membre du groupe La Rumeur, Hamé a réalisé, avec Ekoué, son premier film en 2017, « les Derniers Parisiens ».

De tous les cinéastes français révélés ces dernières années, Jacques Audiard est certaineme­nt l’un des plus passionnan­ts. Son fonctionne­ment, déjà, est original : il revisite les genres. En un seul film, il peut passer du polar au mélo, du social au thriller, comme dans « De rouille et d’os » ou dans « Un prophète ». On peut avoir des réserves sur la façon dont il referme les tiroirs dans la deuxième partie de ce dernier film, mais c’est brillant. La réalisatio­n est superbe, Tahar Rahim est absolument génial – c’est une performanc­e qui est le top de sa carrière, que peu d’acteurs français ont égalée – et Reda Kateb est inoubliabl­e. « Un prophète », histoire de la naissance d’un chef, renoue avec un grand classique, «l’Opéra de

— Le réalisateu­r sort un western à l’américaine. —

quat’sous ». On voit naître une nouvelle pègre, et c’est fascinant. L’idée que Jacques Audiard passe désormais à un genre spécifique­ment américain, le western, est très excitante. « The Sisters Brothers » racontera l’histoire de deux assassins, des tueurs à gages, qui traquent un chercheur d’or. Sur ce sujet, je m’attends à une tragédie grecque avec des masques contempora­ins. Audiard prend ainsi la suite des grands cinéastes européens qui ont tourné des films américains, comme Jean Renoir, Fritz Lang, Max Ophuls et d’autres. De plus, il a un casting de rêve : Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal, John C. Reilly. Il n’y a pas beaucoup de réalisateu­rs français qui peuvent obtenir le final

cut, là-bas : d’habitude, on les prie de vider leurs poches avant de laisser derrière eux ce qu’ils ont tourné, et on les prie de partir sans se retourner. Avec Audiard, gageons que ce n’est pas le cas, et qu’il a le mojo pour garder le contrôle complet de son film. Le plus intéressan­t, c’est que « The Sisters Brothers » tranche sur le panorama du cinéma français actuel : il y a beaucoup de cinéastes qui font des films simplement pour entretenir la machine, donner du travail à des technicien­s, faire tourner le manège. Chacun se limite à sa monture, et espère que la bête aura droit à son tour de piste. Ce n’est pas le cas de Jacques Audiard : il y a une autre nécessité derrière, une sorte d’urgence. D’ailleurs, il y a un avant et un après les films d’Audiard. Cinéaste très intuitif, qui sait empoigner la société française, qui comprend ce qui bouge, il sort constammen­t ses capteurs. Son western, comme ses autres films, sera un marqueur.

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