La chronique de Daniel Cohen
On pouvait croire la page de l’austérité enfin tournée. La croissance revenait, le déficit devait passer sous les 3%… Mais, patatras, la Cour des Comptes a publié un rapport sur les finances publiques faisant apparaître un trou de 8 milliards par rapport à la trajectoire prévue. Pour passer sous le satané seuil des 3%, le gouvernement a été sommé de réaliser 4,5 milliards d’économies avant la fin de l’année.
La première réaction du pouvoir fut de reporter à plus tard l’ensemble des promesses fiscales faites durant la campagne. Comprenant l’effet désastreux de ces renoncements, le président les a finalement maintenues. Du coup, 20 milliards d’économies budgétaires devront être trouvés l’an prochain. Or le programme présidentiel est extrêmement vague sur les baisses de dépenses annoncées. L’armée et l’université (censées économiser respectivement 850 et 331 millions avant la fin de l’année) l’ont appris à leurs dépens.
Pour redonner une boussole au gouvernement, la lecture d’une note récente du Conseil d’Analyse économique pourra être utile. Les auteurs, Maya BacacheBeauvallet, Dominique Bureau, Francesco Giavazzi et Xavier Ragot, s’inspirant de nombreux exemples étrangers, mettent en garde contre la méthode des coups de rabot. Mieux vaut faire disparaître en bloc des politiques inutiles, expliquentils, que de disséminer la paupérisation de l’Etat. Le logement est l’exemple canonique d’une politique qui aurait besoin d’une réévaluation radicale de l’impact des ressources mobilisées, 40 milliards annuellement, sur les objectifs affichés : mieux loger les plus démunis. Pour tous ceux qui pensent que la France souffre d’un excès de fonctionnaires, le rapport contient une mine d’informations qui méritent d’être méditées. La part de l’emploi public français se situe en effet entre celles du Canada et de l’Australie, et en dessous de celle du RoyaumeUni ou de la Suède. Dans le domaine éducatif, la France dépense moins par élève et par étudiant que nombre de pays, tels à nouveau le RoyaumeUni, la Suède ou l’Autriche. Si la France dispose d’un taux de dépense publique supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE (56% contre 48%), c’est pour l’essentiel parce que la part des dépenses sociales couvertes par l’Etat est plus élevée. En matière de dépenses de santé, par exemple, les EtatsUnis se situent beaucoup plus haut que la France, mais elles sont couvertes pour moitié par des assurances privées.
Pour mener une politique sociale efficace, mieux vaut admettre qu’il n’existe en réalité que deux méthodes. La première, qu’on dira de droite, consiste à faire appel à des contributions privées (assurance pour les soins, droits d’inscription à l’université…) pour absorber la hausse de la demande sociale. L’autre méthode, disons de gauche, consiste à faire de l’Etat le garant de la qualité des services concernés, et à solliciter l’impôt quand il le faut. La méthode intermédiaire, celle du nini, qui consiste à raboter les dépenses pour ne pas augmenter les impôts, est tout simplement la pire.
“MIEUX VAUT FAIRE DISPARAÎTRE EN BLOC DES POLITIQUES INUTILES QUE DE DISSÉMINER LA PAUPÉRISATION DE L’ÉTAT.”