L’Afrique prend le pouvoir
ART/AFRIQUE, LE NOUVEL ATELIER. JUSQU’AU 28 AOÛT, FONDATION LOUIS-VUITTON, PARIS-16E. RENS. : 01-40-69-96-00. CATALOGUES : « LES INITIÉS », DILECTA, 276 P., 40 EUROS. « ETRE LÀ. AFRIQUE DU SUD, UNE SCÈNE CONTEMPORAINE », DILECTA, 168 P., 35 EUROS
Trois expos en une : c’est le parcours imaginé à la Fondation Vuitton pour effectuer cette plongée dans le monde de l’art contemporain d’Afrique. Un choix d’oeuvres de la collection Jean Pigozzi inaugure ce grand rassemblement. Depuis la fin des années 1980, cet héritier des automobiles Simca, conseillé par André Magnin, a constitué un fonds unique. Pour la première fois, une quinzaine des artistes de sa collection sont montrés dans un même lieu. Certes, la plupart d’entre eux sont déjà connus ici – on a pu voir leurs oeuvres au musée du Quai-Branly et, surtout, à la Fondation Cartier. On retrouvera donc dans cet accrochage les photographies de Malick Sidibé et de Seydou Keïta, les installations géantes de Bodys Isek Kingelez (des villes du futur construites avec des matériaux de récupération), les peintures éclatantes et faussement naïves de Chéri Samba, les dessins hallucinants d’Abu Bakarr Mansaray (créateur d’improbables machines futuristes) ou encore les spectaculaires masques de Romuald Hazoumè confectionnés avec des bidons et autres accessoires récupérés. La plupart de ces artistes n’ont pas fréquenté d’écoles d’art : ils n’ont donc pas de comptes à rendre à l’histoire de l’art. Cette liberté a cependant un prix. On sait que les grands musées ou autres institutions ne se bousculent pas au portillon pour acquérir les toiles de Moke (peintre de la vie quotidienne au Congo) ou les étonnantes terres cuites de la Sénégalaise Seyni Awa Camara. Les musées ont tort, et Jean Pigozzi, lui, peut s’enorgueillir de collectionner des oeuvres qui ont toute leur place sur la scène de la création du troisième millénaire.
Les deux autres volets de l’exposition sont moins conséquents (en taille). Dans la section consacrée aux oeuvres d’art africain issues de la collection Vuitton, on retrouve plusieurs stars déjà présentes dans la collection Pigozzi (tels Barthélémy Toguo, Romuald Hazoumè, Chéri Samba), ainsi que des oeuvres de William Kentridge, Meleko Mokgosi ou Zanele Muholi. Tout aussi passionnantes sont les salles dédiées à la création actuelle en Afrique du Sud. La jeune génération (Zanele Muholi, Buhlebezwe Siwani) côtoie les « anciens » comme Kentridge, Goldblatt ou Jane Alexander. Loin d’être apaisantes, leurs oeuvres sont là pour rappeler que les violences, l’oppression et la misère n’ont pas disparu. Pour une fois, le message des artistes ne passe pas inaperçu.