L’opinion de Matthieu Croissandeau
LA PERSPECTIVE DE CETTE DÉFAITE PROGRAMMÉE EST D’AUTANT PLUS DÉPRIMANTE QUE CE QUE QUI SE PROFILE À DROITE N’A RIEN DE RÉJOUISSANT.
Un président au sommet de son impopularité qui se tire une balle dans le pied en distillant de confondantes confidences, une majorité – ou plutôt ce qu’il en reste – au bord de la crise de nerfs, des électeurs désorientés au point de se demander si la meilleure façon de faire entendre leur voix n’est pas de participer à la désignation du candidat de l’opposition… C’est peu dire que la campagne présidentielle qui s’ouvre défie tout ce que les commentateurs ont connu depuis les débuts de la Ve République. Il faut avoir, à gauche, la tête et le coeur sacrément accrochés pour résister à ces montagnes russes qui prennent au fil des jours des allures de train fantôme…
Il y a quelque chose d’injuste et de désespérant à dresser le cadastre de ce champ de ruines. Injuste car tout n’est pas à jeter dans le bilan de ce quinquennat mortifère. Des décisions ont été prises, des lois ont été votées. Mais la plupart d’entre elles ont été oubliées aussi sec quand elles ne sont pas devenues tout bonnement illisibles. L’inventaire du hollandisme reste en effet marqué par un échec qui occulte tout le reste, celui de la courbe du chômage, premier sujet de préoccupation des Français. Faute de résultats, faute d’avoir su expliquer ses virages comme ses réformes, la gauche de gouvernement s’est retrouvée laminée dans les urnes, lors des élections intermédiaires (sénatoriales, municipales, départementales, régionales) dans une ampleur qui dépasse la traditionnelle usure du pouvoir. Elle se présente aujourd’hui désarticulée, sans projet, sans alliés. Et le problème ne se limite pas là à la seule personnalité de François Hollande. Car on voit mal, compte tenu des circonstances, comment un Manuel Valls, un Arnaud Montebourg ou un Emmanuel Macron pourraient bien à sa place espérer l’emporter…
La perspective de cette défaite programmée est d’autant plus déprimante que ce que qui se profile à droite n’a rien de réjouissant, bien au contraire. Il fallait les voir, l’autre soir, faisant assaut de propositions « chocs » comme ils disent. Supprimer les 35 heures, supprimer l’impôt sur la fortune, supprimer des postes de fonctionnaires… Ces gens-là n’ont que la suppression à la bouche. Obnubilée par ses luttes intestines depuis cinq ans, la droite n’a rien trouvé, rien inventé. Ses candidats se targuent d’avoir arpenté le pays à la rencontre des Français, mais ils n’ont rien d’autre à leur proposer que de vieilles recettes tout droit tirées d’un manuel de finances publiques hors d’âge. Les a-t-on entendus parler de logement, de pouvoir d’achat, de précarité ou des conséquences de la révolution numérique sur le monde du travail ? Pas un instant lors de leur débat pourtant consacré aux questions économiques et sociales ! Les a-t-on vus dessiner un avenir meilleur ? Non plus ! Leurs programmes se résument à demander toujours plus aux salariés tout en offrant toujours moins de prestations sociales. En d’autres temps peut-être, on aurait pu parler de sang et de larmes. Dans leur cas, on parlera plutôt de paresse intellectuelle ou de cécité.