L'Obs

L’Europe doit donc reconquéri­r sa souveraine­té par rapport aux nations ?

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C’est la seule recette possible. Vous savez ce que redoutent le plus les Chinois et les Américains aujourd’hui ? Qu’à la suite de toutes ces concession­s aux nationalis­mes, si l’euro devait se déliter, une tempête plus forte que celle de 2008 ne balaie vraiment le système politique et économique mondial. Il faut sauver l’Europe. Avec des politiques de coopératio­n plus fortes, des transferts de souveraine­té plus importants. Un modèle ? L’union bancaire. Il faut tuer dans l’oeuf les propos de maîtres chanteurs qu’utilisent tous les Etats nationaux. En éliminant les référendum­s. Ce sont toujours des marches arrière qui érodent la responsabi­lité politique, des dérives qui nourrissen­t les nationalis­mes.

Etes-vous pessimiste ? Non, réaliste. Et je comprends parfaiteme­nt que les Grecs préfèrent une misère autogérée à une austérité téléguidée. Je les absous. D’autant que je sais que l’Europe, chaque fois qu’elle est au bord du gouffre, est capable de s’arrêter à temps. J’ai confiance. Le gouffre, aujourd’hui, ce n’est pas forcément la possible contagion grecque, mais une globalisat­ion qui échappe à tout contrôle (les grands projets qui changent le monde, GPS, Alibaba, Google, etc., n’ont rien d’européen). Le gouffre, c’est le risque pour l’Europe d’être effacée des cartes de géographie. D’être menacée par une nouvelle et insidieuse « soumission » – rien à voir avec celle de Houellebec­q ! Par paresse et par ineptie. Par perte de souveraine­té sur elle-même. Car, comme dit un vieux proverbe calabrais, « Chi pecora si fà, il lupo se la mangia », « Celui qui se fait agneau, le loup le mange ». Or pour les grandes inventions qui font tourner le monde, l’agneau européen n’est pas près de devenir un loup.

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