En phase terminale
PAR ALAN TAYLOR. AVEC JAI COURTNEY, EMILIA CLARKE, ARNOLD SCHWARZENEGGER (2H05).
Après « Jurassic Park » et en attendant « Point Break », « SOS Fantômes », on en passe et des pires, Hollywood qui, c’est bien connu, n’est jamais à court d’idées neuves, nous refait « Terminator ». Est-ce une suite, une préquelle, un reboot ? On ne sait plus et cela n’a guère d’importance, chacun de ces termes désignant, au fond, la même chose : la resucée d’un succès d’antan calibrée selon les canons actuels. « Terminator. Genisys » est un cas d’école, une parfaite illustration de l’opportunisme avec lequel Hollywood se plaît à saboter son patrimoine des années 1980-90. Et que dire du fait que le créateur de la saga, James Cameron en personne, en ait publiquement chanté les mérites ?
Le cinéaste a loué la fidélité du film à la mythologie qu’il a créée. En e et, le premier quart d’heure, plutôt réussi, fait fi des deux précédents et indignes opus (« Terminator 3. Le soulèvement des machines » et « Terminator. Renaissance »), et renoue, vingt-quatre ans après « Terminator 2. Le Jugement dernier », avec les racines de l’histoire. Pour tout saccager ensuite, jusqu’à rendre caduc le diptyque de Cameron. On ne se risquera pas à résumer l’intrigue, cela demanderait trop d’e orts, trop d’espace, et serait relativement vain. Schwarzy is back – il se frite même avec son double jeune – et c’est lui qui s’en sort le mieux : il n’a jamais été aussi crédible qu’en cyborg essayant maladroitement d’avoir l’air humain (ses sourires forcés, miridicules mi-flippants, sont un régal). Sa réplique destinée à devenir culte ? « Je suis vieux, pas obsolète. » Et bonne idée que d’avoir confié le rôle de Sarah Connor à Emilia Clarke (Daenerys dans « Game of Thrones »), qui partage un air de famille troublant avec Linda Hamilton, l’interprète initiale. Las, son personnage, comme tous les autres, croule sous les incohérences d’un script qui se balade entre 2029, 1984, 1997 et 2017, en accumulant les twists abracadabrantesques sans se soucier des paradoxes temporels ou de la moindre cohérence. Bien sûr, le cahier des charges du blockbuster est rempli : les e ets sont spéciaux, les scènes d’action, fréquentes, les (super-)héros, increvables. Tout est en toc, rien ne vit. C’est du cinéma de service marketing et d’ingénieurs en e ets numériques.
On ne comprend pas bézef à « Terminator. Genisys », mais on est sûr d’une chose : le scénario ne tient jamais la route. En soi, un vrai tour de force. A un moment, quelqu’un dans le film tente de faire le point sur ce qui se passe et se voit répondre : « On est là pour sauver le monde », et, satisfait, conclut : « Je m’en contenterai. » A ce degré de cynisme, c’en est presque admirable.