L'Obs

On dit parfois que, sur un plateau, vous n’en faites qu’à votre tête. Avez-vous besoin d’un metteur en scène ?

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Sur ce film, j’ai suivi le chemin comme la bête que j’ai toujours été. Je ne veux même pas dire que je renifle, car renifler c’est déjà « acter » et moi, je n’acte pas, je ne fais rien. Mais avec Guillaume Nicloux, il s’est passé quelque chose qui va bien au-delà du film. Il est trop bien pour ne pas être méprisé par les cons, ce gars-là. J’aime chez lui ce que l’on pourrait comprendre comme une forme de dureté, d’insensibil­ité: en fait, c’est juste qu’il n’a pas les mots.

A propos de Maurice et de la direction d’acteurs, je me rappelle une scène de « Sous le soleil de Satan », celle où le curé que je joue a une attaque. Je n’aime pas me voir au cinéma, d’ailleurs je ne me vois pas, j’essaye de retrouver à l’écran l’aventure que nous avons vécue, mais quand j’ai revu « Sous le soleil de Satan », cette scène m’a sidéré : il y a la nature, ces champs très verts, je marche et, arrivé aux fils de fer barbelé, je m’écroule. C’est tout, mais là j’ai vu l’oeuvre de Pialat, et je me suis souvenu que ce jour-là Maurice ne m’avait rien dit, juste qu’il ne pouvait pas m’expliquer. Alors, j’ai marché, je me suis effondré, nous avons fait une seule prise. Dans le film, quand un client américain de l’hôtel demande un autographe à l’acteur que vous incarnez, il signe « Bob De Niro ». Avez-vous déjà fait cela ? Si Ryan O’Neal avait joué le rôle, il aurait signé « Al Pacino », c’est ce que prévoyait le scénario. Pacino et De Niro sont pour moi deux êtres essentiels dans l’histoire du cinéma, deux êtres uniques dans leur art. Tous deux ont toujours « acté » plus que vécu leurs rôles, Al est plus proche de la peinture que Bob… encore que c’est un peu injuste de dire cela, d’autant que le père de Bob était peintre… Ils montrent leurs faiblesses, leurs incapacité­s, mais s’il leur arrive d’être vieux et malades, vous pouvez être sûr qu’ils ne montreront jamais leur merde. Tous deux sont des vivants extraordin­aires.

Vous dites souvent que vous vivez avec vos morts : « Valley of Love » est-il peuplé de fantômes ?

Mes morts sont avec moi en permanence, et je leur parle, mais

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« Gérard » et « Isabelle », deux parents qui se retrouvent dans la Vallée de la Mort.

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