L'Obs

Reprises de films sélectionn­ées par Pascal Mérigeau

C’est l’été, la saison des reprises et des rééditions. Suivez le guide

- Par PASCAL MÉRIGEAU

“Cutter’s Way”, d’Ivan Passer

On attendait depuis des années que « Cutter’s Way » soit visible de nouveau. « On », c’est-à-dire la poignée de fêlés qui s’obstinent à le classer au nombre des grands films américains des années 1970 et 1980. Réalisé en 1981 par Ivan Passer, figure de proue du cinéma tchèque et scénariste de Milos Forman, « Cutter’s Way » dessine le portrait de trois jeunes Californie­ns de Santa Barbara : Cutter (John Heard, ci-dessus à dr.) est revenu du Vietnam borgne, amputé d’une jambe et d’un bras ; son ami Bone (Jeff Bridges, à g.) gagne sa vie auprès des riches du coin, à l’occasion en qualité de gigolo; Bone est amoureux de la belle Mo (Lisa Eichhorn, au centre), l’amie de Cutter. Invivable, suicidaire, ce dernier est le produit d’une Amérique déboussolé­e, aussi en vrac que luimême. Le trio d’acteurs est renversant.

En salles (1h46).

“Agnès Varda in California”

Ses films américains comptent parmi les plus surprenant­s d’Agnès Varda, cinéaste unique, aventureus­e, toujours en éveil. Dans « Lions Love (… and Lies) » (1969), il y a Viva, Shirley Clarke, Varda et quelques autres, tous dans leur propre rôle, et aussi la télévision, où il n’est question que de l’assassinat de Robert Kennedy. « Murs murs » (1980) montre les peintures de Los Angeles exécutées par des Mexicains, « Documenteu­r » (1981) porte on ne peut mieux son titre, et cet ensemble comporte également les courts métrages « Black Panthers » et « Uncle Yanco ». Chez Varda, il n’y a rien à jeter, tout est bon… surtout ça! En salles le 30 juillet. « Lions Love » (1h50), « Murs murs » (1h21), « Documenteu­r » (1h05).

“L’Homme qui tua Liberty Valance”, de John Ford

A qui ignore tout de la manière de capter l’attention en une scène, il faudrait montrer l’ouverture de « l’Homme qui tua Liberty Valance » (1962) : quelques secondes suffisent au film pour s’emparer de vous. Il y a du Cyrano dans cette histoire d’un gaillard amoureux fou d’une belle qui lui préfère un apprenti avocat, lequel croit en la loi quand le premier s’en remet à la force.

En clair, Vera Miles choisit James Stewart au détriment de John Wayne, le faible de préférence au fort, en partie parce qu’elle croit, et tout le monde avec elle, que le juriste a descendu le vil Liberty (Lee Marvin). Pour entendre Wayne lancer à Marvin « That’s my steak, Valance, pick it up! » , on se relèverait la nuit. Et à tous ceux qui, croyant se réclamer du cinéaste, professent que Ford suggérait d’imprimer la légende plutôt que l’histoire, on conseille de revoir ce chef-d’oeuvre absolu, qui précisémen­t ne fait état de la légende que pour révéler la réalité des faits.

En salles le 6 août (2h02).

“Miracle au village”, de Preston Sturges

Un des films les plus ahurissant­s sortis de l’usine hollywoodi­enne, au point que James Agee suggéra que les censeurs, pour avoir laissé passer un tel scénario, avaient probableme­nt « été violés pendant leur sommeil » . Qu’on en juge : en 1942, dans une petite ville américaine envahie par des soldats, une jolie fille (Betty Hutton) se sert de son benêt d’amoureux (Eddie Bracken) pour aller danser contre l’avis de son père ; au petit matin, elle se rappelle s’être mariée pendant la nuit, mais ne sait plus avec qui ; et voici qu’elle se découvre enceinte. La pure jeune fille américaine s’est donc envoyée en l’air avec au moins un de ces bons garçons. Quand elle donne naissance à des sextuplés, l’émoi est considérab­le: Mussolini démissionn­e, Hitler exige un nouveau décompte (des nouveau-nés). Ecrite et filmée par le génial Preston Sturges, le plus méconnu en France des grands cinéastes américains, « The Miracle of Morgan’s Creek » (1944) est porté par des dialogues éblouissan­ts, émaillés de répliques d’une audace qui semble aujourd’hui encore proprement insensée. La découverte de l’été. En salles le 13 août (1h39).

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Ci-contre, Betty Hutton et William Demarest. Ci-dessous, James Stewart et John Wayne
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