L'HUMANITE

À Longjumeau, les quartiers populaires font front

Dans la 4e circonscri­ption de l’essonne, traditionn­ellement à droite, le communiste Amadou Deme espère profiter de la dynamique d’union, fruit du travail de terrain accompli depuis 2022.

- NAÏM SAKHI

T «u vois Bilal, nous avons fait une heure de route pour voter pour lui. » Vers 12 h 30, ce dimanche, Sandra croise Amadou Deme, le candidat Nouveau Front populaire (NFP) dans le quartier populaire de la Rocade-bel-air, à Longjumeau, dans l’essonne. Cette électrice d’emmanuel Macron en 2022 a tenu à revenir dans « (son) quartier de naissance » pour le premier tour des élections législativ­es anticipées. « Je ne supporte pas la FI. Mais l’union de la gauche était indispensa­ble. Ce rééquilibr­age entre les forces de gauche, par rapport à la Nupes, peut faire la différence, assure-t-elle. Le RN me fait peur. Les racistes n’ont déjà plus de complexe. Alors si l’extrême droite arrive au pouvoir… »

Dans la 4e circonscri­ption de l’essonne, Amadou Deme entend créer la surprise. En 2022, le communiste avait échoué (44,35 %) face à la macroniste Marie-pierre Rixain, dans l’ancien fief de Nathalie Kosciuskom­orizet. Mais depuis le scrutin européen, la perspectiv­e d’une victoire n’est plus à exclure : les gauches frôlent 40 % quand les macroniste­s (18 %) et LR (8 %) calent. L’extrême droite, de son côté, gagne 20 points entre 2022 et 2024, avec 35 % des suffrages cumulés. Contre l’avis de l’édile de droite, Éric Ciotti a donc «dealé» une candidatur­e commune avec le Rassemblem­ent national.

Cette dynamique du RN a poussé Kadiata, cette fois-ci, à voter. Abstention­niste aux scrutins de 2022, mais aussi aux européenne­s, cette habitante du quartier populaire, âgée de 20 ans, assure « avoir pris une claque en voyant le RN et Bardella aussi haut, il y a trois semaines », lors du scrutin européen. « Autour de moi, nous sommes nombreux à nous déplacer, pour une fois, explique l’étudiante en médecine. L’union de la gauche est mobilisatr­ice. C’est une bonne réponse au danger du Rassemblem­ent national. »

Kadiata dit avoir longuement regardé les programmes avant de se décider. L’abrogation de la réforme des retraites et la perspectiv­e d’un âge de départ à 60 ans, prévus dans le programme du Nouveau

Front populaire, font la différence. « Je pense à nos parents. Ma mère est agent de restaurati­on et son corps est déjà abîmé. Elle ne tiendra jamais jusqu’à 64 ans », mesure-t-elle. Venue voter dans la matinée, Zora prévient : « Si le Rassemblem­ent national gagne, je suis prête à partir de France. »

COLÈRE PALPABLE

Sur la commune de Longjumeau, fief de LR, la gauche était en tête avec 51 % des suffrages au second tour des législativ­es de 2022. Et Amadou Deme avait recueilli plus de deux tiers des voix dans les bureaux de vote populaires. Le candidat du NFP résume l’enjeu : « Nous pouvons dépasser les 70 % dans les quartiers, mais si seulement 30 % des électeurs vont voter, la droite l’emporte. » Alors, depuis deux ans, « nous avons développé les batailles locales en mobilisant contre la fermeture programmée de l’hôpital. Dans cette lutte, nous avons reçu le soutien de plus de 5 000 familles. Dans une ville de 22 000 habitants, ce n’est pas négligeabl­e », explique le communiste, alors que la quasi-totalité des services ont été transférés au nouvel hôpital Paris-saclay.

Loin des bâtisses bourgeoise­s de la place Charles-steber et de l’activité du centre-ville, les quartiers de la Rocade et de Bel-air, sur les hauteurs de la ville, sont marqués par l’absence de vitalité. Le contraste est saisissant, alors que deux bus par heure desservent ces habitation­s ce dimanche. La colère des habitants est palpable. Bien que toujours inscrite dans ce bureau de vote, Ingrid dit avoir « quitté le quartier pour (s)es enfants ». « Avant, il y avait beaucoup d’associatio­ns. On sortait facilement de nos domiciles. Les jeunes avaient des activités. Mais tous les services publics disparaiss­ent : ils ont fermé le cinéma, la piscine et maintenant l’hôpital », tance cette employée de banque, carte électorale en main, venue voter Nouveau Front populaire.

Président du 10e bureau de vote, Mohamed Bouazzaoui met en avant la politique de renouvelle­ment urbain, dans le cadre de l’anru, engagée par la municipali­té, « visant au désenclave­ment et à ramener des acteurs sociaux et des entreprise­s. » « En réalité, les gens sont perdus. C’est pour cela que le RN progresse », poursuit l’adjoint au maire. « Le sentiment de déclasseme­nt est une réalité dans les quartiers populaires de l’essonne. Pour que cette colère ne se transforme pas en carburant pour le RN, nous devons multiplier les batailles locales », rétorque Annick Le Poul, de la coopérativ­e des élus communiste­s de l’essonne.

« L’union de la gauche est mobilisatr­ice. C’est une bonne réponse au danger du Rassemblem­ent national. »

KADIATA, ÉTUDIANTE EN MÉDECINE

 ?? SAMIR MAOUCHE POUR L’HUMANITÉ ?? Amadou Deme, candidat Nouveau Front populaire, à la rencontre de ses électrices et électeurs.
SAMIR MAOUCHE POUR L’HUMANITÉ Amadou Deme, candidat Nouveau Front populaire, à la rencontre de ses électrices et électeurs.

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