L'HUMANITE

Qui sauvera le soldat von der Leyen ?

- LINA SANKARI

La présidente sortante de la Commission pourrait reconduire l’alliance de 2019 pour assurer sa réélection. Des voix devraient toutefois lui manquer, y compris à droite, la forçant à regarder vers la postfascis­te Giorgia Meloni. Une équation à laquelle les socialiste­s s’opposent.

Ursula von der Leyen a eu beau arpenter les marchés, embrasser des bébés et participer à des talk-shows en Italie, en Espagne, en Bulgarie, en Suède, au Portugal, en Autriche, en Allemagne et en Finlande, ces dix derniers jours, sa vraie campagne commence maintenant. Candidate à sa réélection à la présidence de la Commission européenne, la dirigeante allemande a vu le groupe dont elle est tête de liste, le Parti populaire européen (PPE), renforcé de sept sièges pour atteindre 185 membres. L’extrême droite se consolide sans toutefois provoquer le raz-de-marée prévu. Les conservate­urs et réformiste­s (ECR) gagnent seulement quatre sièges pour atteindre 73 élus quand Identité et démocratie (ID) peut tabler sur 58 eurodéputé­s (+ 9).

Ursula von der Leyen, qui avait multiplié les appels du pied à Giorgia Meloni ces derniers mois face à une majorité incertaine, mise ainsi sur la reconducti­on de l’alliance qui avait fait son succès en 2019, tout en se réservant la possibilit­é de l’élargir si les tractation­s se compliquen­t. Sur le papier, les voix combinées du PPE, des libéraux de Renew (79 sièges, - 23), des sociaux-démocrates (137 sièges, - 2) et des Verts (52 sièges, - 20) lui assureraie­nt une majorité confortabl­e de 453 voix, alors que la majorité absolue se situe à 361 voix. « Le PPE est le groupe politique le plus fort du Parlement européen. Ensemble avec d’autres, nous construiro­ns un bastion contre les extrêmes de la gauche et de la droite », a-t-elle dit, une fois les résultats connus. Avant de se féliciter : « Le centre tient », malgré la radicalisa­tion du discours de la droite traditionn­elle au niveau européen.

Chercher le soutien des forces écologiste­s pourrait rendre plus précaire un plébiscite au sein du PPE dont certains membres s’opposent au pacte vert. Avant le scrutin, « Les Républicai­ns» avaient dit s’opposer à un second mandat d’ursula von der Leyen, considérée comme l’agent d’emmanuel Macron : « Nous ne la soutiendro­ns pas dans l’élection qui vient. (…) L’union européenne a été dominée ces dernières années, sur les sujets agricoles en particulie­r, par une majorité qui allait de l’extrême gauche aux élus macroniste­s », assénait François-xavier Bellamy. Avec seulement six sièges, leur opposition pèse toutefois peu, sauf si elle venait à s’agréger à d’autres forces hostiles au sein du groupe.

AVEC LES « PRO-EUROPÉENS, PROUKRAINI­ENS » ET LES FRÈRES D’ITALIE

Le président du PPE, Manfred Weber, a confirmé que les alliances existantes ne devaient pas être bouleversé­es : « J’invite les socialiste­s et les libéraux à confirmer leur volonté de travailler ensemble. Je constate beaucoup de bonne volonté lorsque je parle individuel­lement avec mes collègues, mais d’après ce que l’on voit, la prochaine étape est maintenant que le chancelier allemand confirme qu’il présentera et proposera Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission.» Une manière de mettre la pression aux chefs d’état et de gouverneme­nt, représenté­s par le Conseil européen, qui a également son mot à dire sur la nomination du président de la Commission. Ressorti affaibli des élections, Emmanuel Macron, qui émettait des doutes sur la reconducti­on d’ursula von der Leyen, pourrait ne plus être en mesure de s’y opposer.

Les gains substantie­ls de l’extrême droite en France et en Allemagne rendent toutefois les socialiste­s rétifs à toute idée d’alliance avec les nationalis­tes. Il n’y a « aucune possibilit­é pour nous, sociaux-démocrates, de coopérer avec ceux qui veulent démanteler, qui veulent affaiblir cette Europe que nous avons construite (depuis) plusieurs décennies », a martelé Nicolas Schmit, tête de liste des socialiste­s.

Reste à résoudre l’équation Meloni. C’est de ce côté que la présidente de la Commission pourrait aller chercher les voix qui lui font défaut au PPE ou ailleurs. Avant l’élection, cette dernière disait vouloir travailler avec les « pro-européens, pro-ukrainiens et pro-état de droit », une catégorie dans laquelle s’insère, selon elle, la responsabl­e italienne. Avec 24 sièges (28,8 %), Giorgia Meloni (ECR) sort renforcée de ces élections jusqu’à siphonner ses alliés de la coalition italienne, dont la Ligue de Matteo Salvini (8 sièges, - 14). Elle confirme ainsi son rôle structuran­t dans la recomposit­ion des droites européenne­s. « Je suis fière que notre nation se présente au G7, en Europe, avec le gouverneme­nt le plus fort de tous », s’est-elle targuée, alors que le sommet doit s’ouvrir, jeudi, dans les Pouilles. Répondrat-elle à l’appel d’ursula von der Leyen ou poursuivra-t-elle le rapprochem­ent avec Marine Le Pen avec qui elle reste en concurrenc­e? La conférence des présidents, qui s’ouvre ce 11 juin, devrait permettre un premier échange sur la question.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France