La victoire du chouchou des médias
Jordan Bardella, tête de liste du RN au scrutin du 9 juin, a bénéficié d’une surexposition dans le champ médiatique, qui surjoue aussi les thèmes favorables à l’extrême droite, comme l’immigration.
Les médias ne sont peut-être pas étrangers au score sans précédent du Rassemblement national aux élections européennes du 9 juin. Le jeune président de ce parti a bénéficié, en amont de la campagne, d’une exposition sans égale. Durant la précédente législature, entre 2019 et le 31 mai 2024, Jordan Bardella y a été mentionné 17 309 fois, loin devant le chef de file Ps-place publique, Raphaël Glucksmann (11 832 mentions), les candidats François-xavier Bellamy (LR) et Valérie Hayer (Renaissance), avec chacun autour de 5 700 mentions, selon une étude de Tagaday publiée dans Sud-ouest début juin. Signe de cette surmédiatsation, le candidat RN est, avec Marion Maréchal (Reconquête !), le seul dont les électeurs ont dit avant le vote connaître la personnalité et le programme (à 88 %), quand tous les autres souffraient d’un déficit de notoriété.
Cette surexposition s’est confirmée pendant la campagne. Sur l’ensemble des mentions de candidats, 14 % concernent Jordan Bardella, 9 % la candidate Renaissance, 9 % celui du PS et 2 % pour Manon Aubry (FI), selon une étude de la Fondation Jeanjaurès. Ces places traduisent les résultats dans les sondages, mais les nourrissent aussi. « Les médias du corpus jouent un rôle catalyseur de la visibilité des premiers candidats », souligne ainsi la même étude.
ADOUBÉ PAR BOLLORÉ
Ce déséquilibre en faveur du candidat RN a été néanmoins atténué par l’omniprésence dans les médias du président Macron et de son premier ministre. « Emmanuel Macron totalise 390 sujets Tv/radio et articles presse/web liés à la campagne, ce qui en fait la deuxième personnalité la plus médiatisée de la campagne sur la période étudiée, derrière Jordan Bardella, devant
Raphaël Glucksmann et Valérie Hayer », note ainsi la Fondation.
La tête de liste du RN a bénéficié du ralliement de la presse de Bolloré. Longtemps hostiles au parti de Marine Le Pen, à qui ils préféraient Éric Zemmour, les médias du milliardaire breton ont, cette fois, adoubé Jordan Bardella. Ce dernier a aussi su utiliser les réseaux sociaux. Sur ses deux comptes Tiktok, il a « vendu », à ses près de 2 millions d’abonnés, sa dégaine de gendre idéal et sa légende d’ascension sociale, sans avoir jamais besoin de parler du fond.
La thématisation des débats enfin, qui ont très peu cherché à informer sur le rôle du Parlement européen, a facilité la promotion d’une image, au détriment d’un débat sur les choix politiques. Et quand ils l’ont fait, les médias se sont concentrés sur des thèmes qui, en dehors de la guerre en Ukraine, sont ceux du RN: l’immigration et l’asile. Première préoccupation des Français, le pouvoir d’achat n’arrive lui qu’en troisième position, générant 3 % du bruit médiatique, contre 7 % pour les thèmes précédents.