Mort de Steve Maia Caniço : un procès pour comprendre
Le commissaire Grégoire Chassaing, qui avait ordonné la dispersion violente et mortelle du quai Wilson lors de la Fête de la musique, à Nantes, en 2019, est poursuivi pour homicide involontaire à partir de ce lundi.
JUSTICE
Le commissaire divisionnaire Grégoire Chassaing a-t-il commis une « faute caractérisée » en organisant une opération de dispersion injustifiée et dangereuse sur le quai Wilson, à Nantes, le soir de la Fête de la musique 2019, causant indirectement la chute dans la Loire et le décès par noyade de Steve Maia Caniço, cet animateur périscolaire alors âgé de 24 ans ? C’est à cette question que va devoir répondre le tribunal correctionnel de Rennes, où doit s’ouvrir pour une semaine, ce lundi 10 juin, une audience particulièrement attendue.
Le drame avait suscité une émotion intense, plusieurs mobilisations contre les violences policières, et considérablement fragilisé le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner. Dès le 29 juin 2019, une semaine après la disparition du jeune homme, plusieurs centaines de personnes défilaient, à Nantes, pour « exiger la vérité », mais aussi une réponse à la question, devenue slogan : « Où est Steve ? » C’est seulement un mois plus tard, le 29 juillet, que son corps était retrouvé dans la Loire, à une quinzaine de mètres du rivage, repéré par un pilote de la navette fluviale reliant la gare maritime au village de Trentemoult. Le lendemain, Édouard Philippe, depuis Matignon, prenait seul la parole pour dédouaner les policiers de toute responsabilité. « Il ne peut être établi de lien entre l’intervention des forces de police et la disparition de Steve Maia Caniço », assurait doctement le premier ministre, fort des premières conclusions de L’IGPN.
PLUSIEURS CHUTES DANS LA LOIRE
Fin 2023, l’instruction a abouti, elle, à un constat radicalement différent, donnant lieu au renvoi de Grégoire Chassaing pour homicide involontaire. Si l’enquête pointait aussi des « fautes commises dans le cadre de la préparation de la fête », notamment l’absence de barriérage sur les quais de Loire, imputable « tant à la préfecture qu’à la mairie », la justice avait décidé de ne poursuivre ni l’une, ni l’autre, prononçant un non-lieu pour Johann Mougenot, directeur de cabinet du préfet de Loire-atlantique.
Elle se montrait en revanche extrêmement sévère pour l’action du commissaire Chassaing, qui aurait répondu à une simple provocation – le « sourire narquois » d’un des DJ – par une intervention « ni nécessaire ni proportionnée ». En l’espace de dix minutes, entre 4 h 31 et 4 h 41, pas moins de 33 grenades lacrymogènes, 10 grenades de désencerclement et 12 balles de défense sont ainsi tirées par les policiers, et ce « sans sommations préalables, sans visibilité aucune et sans discernement », suscitant une panique sur le quai et plusieurs chutes dans la Loire. Dont celle de Steve Maia Caniço, à 4 h 33 minutes et 14 secondes, moment précis où le bornage de son téléphone s’interrompt brutalement.
L’AVOCAT RÉCLAME LA RELAXE DE SON CLIENT
Pour l’avocat de Grégoire Chassaing, Me Louis Cailliez, « seules deux grenades, tout au plus », sont tirées avant la chute de Steve, laquelle serait intervenue « de façon fortuite, par inadvertance, à cause de la configuration des lieux et sans rapport avec l’action de la police». L’avocat réclamera donc la relaxe de son client, présenté comme « un fusible idéal ».
La famille de Steve Maia Caniço se prépare, elle, à une rude semaine. « Elle attend le procès avec inquiétude, parce qu’il va raviver un deuil tragique, commente son avocate, Me Cécile de Oliveira. Mais aussi avec une confiance dans la solidité de l’enquête, qui a fourni de nombreuses preuves de la culpabilité du policier Grégoire Chassaing. »
L’audience doit s’achever vendredi 14 juin, mais le délibéré sera rendu à une date ultérieure.
En l’espace de dix minutes, 33 grenades lacrymogènes, 10 grenades de désencerclement et 12 balles de défense sont tirées par les policiers.