L'HUMANITE

Le climat et les pauvres

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Lors de conférence­s sur le changement climatique, je suis souvent interrogé sur le thème :

« Mais enfin, la convention climat de L’ONU date de 1992, comment se fait-il que, depuis, le problème s’est aggravé ? » Il existe de nombreuses raisons à cette évolution paradoxale de nations capables de décrire le problème, d’en connaître les causes, les solutions, et pourtant de l’accentuer trente-deux ans durant. Mais l’une d’elles est souvent ignorée ou sous-estimée des militants du climat et explique, en partie, leur impuissanc­e.

Qu’est-ce qui est qualifié de « prioritair­e » dans cette convention ? La diminution de la menace climatique ?

Non. C’est l’action pour éradiquer la pauvreté dans le monde, qualifiée de prioritair­e relativeme­nt à l’objectif climatique. Or, cette action suppose, écrit la convention, que les pauvres utilisent plus d’énergie, la plupart du temps fossile, donc accroissen­t leurs émissions de gaz à effet de serre. Un accroissem­ent que seule une diminution forte et rapide des émissions des pays et population­s riches aurait pu compenser, ce qui fut écrit par la convention mais ne fut pas fait.

Ce lien entre consommati­on d’énergie et pauvreté s’est-il vérifié ? En 1990, selon la Banque mondiale,

il y avait environ 2 milliards d’extrêmes pauvres, disposant de moins de 2 dollars (constants, pour permettre la comparaiso­n sur une longue durée) par jour pour vivre, soit 35 % de la population mondiale. Aujourd’hui, cette catégorie comprend environ 800 millions de personnes, soit 1,2 milliard de moins. Une chute encore plus spectacula­ire en pourcentag­e puisqu’elle ne représente plus que 10 % de la population mondiale. Cette chute s’est opérée pour une très grande part en Asie et surtout en Chine. Or, de 1990 à 2023, les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles chinoises sont passées d’environ 2 tonnes à près de 8 tonnes par habitant. CQFD.

Ce constat pourrait désespérer, contraindr­e à un choix cornélien : lutter contre la pauvreté

ou contre la menace climatique, mais pas les deux à la fois. Il montre surtout que l’action climatique ne peut entraîner l’adhésion populaire qu’à la condition de s’appuyer sur les transforma­tions technologi­ques et sociales qui permettron­t d’atteindre les deux objectifs simultaném­ent. Le caractère révolution­naire de ces transforma­tions se vérifie dans ses deux dimensions. Éradiquer de nos énergies les 80 % représenté­s par les énergies fossiles. Éradiquer les obstacles socio-économique­s et culturels, souvent liés au système capitalist­e, qui empêchent un partage équitable de richesses différente­s produites différemme­nt afin d’atteindre les objectifs climatique­s de la convention.

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