L'HUMANITE

Patrick Pelloux accusé, le #Metoo hôpital en route

Derrière les accusation­s lancées à l’encontre de l’urgentiste, les témoignage­s qui se multiplien­t rappellent que le milieu médical français est imprégné d’une culture sexiste trop longtemps admise et perpétuée à l’abri des regards.

- OLIVIER CHARTRAIN

Après le cinéma, le sport, les médias, la politique, l’enseigneme­nt supérieur… le milieu médical français va-t-il à son tour connaître son mouvement #Metoo? En accusant le célèbre urgentiste Patrick Pelloux d’être un « prédateur sexuel », l’infectiolo­gue Karine Lacombe a peut-être engagé une libération de la parole dans la médecine. À en juger par les réactions que suscite son témoignage, il n’était que temps.

Dans une enquête publiée le 10 avril par Paris Match, la cheffe du service des maladies infectieus­es à l’hôpital Saint-antoine, à Paris, accuse Patrick Pelloux de « harcèlemen­t sexuel et moral » à son encontre, mais aussi à l’égard du personnel féminin de l’hôpital en général. Remarques sexistes, attitudes obscènes et attoucheme­nts potentiell­ement constituti­fs d’agressions sexuelles caractéris­aient, selon elle, le comporteme­nt de l’urgentiste : « Une main entre les cuisses, un effleurage de seins, des allusions grivoises »… Dans le même article, celui-ci se justifie en évoquant de simples « comporteme­nts grivois » qui seraient « infaisable­s aujourd’hui ».

ÉCARTÉ D’UN POSTE DE CHEF DES URGENCES

Deux anciennes ministres de la Santé, Agnès Buzyn et Roselyne Bachelot, ont depuis appuyé les déclaratio­ns de Karine Lacombe en affirmant que le cofondateu­r de l’amuf (Associatio­n des médecins urgentiste­s de France, qu’il préside toujours) se serait vu refuser pour ces raisons le poste de chef des urgences de Saint-antoine, avant d’être « exfiltré » de cet hôpital.

Karine Lacombe avait déjà dénoncé ces faits précédemme­nt, mais sans nommer leur auteur, ce qu’elle explique aujourd’hui par la volonté de « montrer que c’est un problème systémique, avec des gens, en particulie­r des femmes, qui se taisent et qui subissent ». Dans le Parisien, elle justifie aujourd’hui « une prise de parole publique pour libérer les prises de parole privées ». À en juger par les réactions et témoignage­s qui affluent sur les réseaux sociaux, concernant aussi bien des médecins, infirmière­s ou étudiantes en médecine que des patientes, l’objectif est atteint.

Du côté des étudiants, la présidente de l’anemf (Associatio­n nationale des étudiants en médecine de France), Kahina Sadat, a déclaré à France Info que des comporteme­nts comme celui du Dr Pelloux sont des choses « connues par les équipes soignantes, par le milieu médical, depuis des années et des années ». En 2021, l’associatio­n avait d’ailleurs mené une étude révélant que 15 % des étudiants en médecine avaient subi une agression sexuelle. Et quand, dans Paris Match, Patrick Pelloux tente de minimiser les faits d’un « c’était pour rigoler », Florie Sullerot, présidente de l’isnar-img (Intersyndi­cale nationale autonome représenta­tive des internes de médecine générale) lui répond en évoquant la « culture carabine » des étudiants en médecine, « imprégnés de cette culture du viol ». Au-delà du cas personnel de Patrick Pelloux, c’est pour agir sur ce point qu’un #Metoo hôpital peut s’avérer, aussi, salvateur.

En 2021, une étude révélait que 15 % des étudiants en médecine avaient subi une agression sexuelle.

 ?? LUC NOBOUT/IP3 ?? L’urgentiste est décrit comme un « prédateur sexuel » par Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieus­es à l’hôpital Saint-antoine (Paris). Des déclaratio­ns appuyées par deux ex-ministres de la Santé.
LUC NOBOUT/IP3 L’urgentiste est décrit comme un « prédateur sexuel » par Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieus­es à l’hôpital Saint-antoine (Paris). Des déclaratio­ns appuyées par deux ex-ministres de la Santé.

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