L'HUMANITE

La discipline de l’eau

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Chaque année, les mêmes chiffres, les mêmes statistiqu­es qui nous décrivent un monde où une partie de la population mondiale n’a pas accès à cette ressource vitale qu’est l’eau. Au XXIE siècle, des millions d’êtres humains meurent faute d’y avoir accès. Peut-on en finir avec ce scandale planétaire ? Pourquoi ne pas imaginer une gestion rationnell­e à l’échelle mondiale ? Qui bloque cette urgence ? La réponse, c’est Peter Brabeck, alors

PDG de Nestlé, qui la livre en 2005 dans un documentai­re, sans se douter d’ailleurs que cela le poursuivra­it pendant des années. Il déclare à propos de la gestion de l’eau : « Deux points de vue s’affrontent, (…) les ONG pour qui (…) tout être humain doit avoir accès à l’eau. C’est une solution extrême. Et l’autre qui dit que l’eau est une denrée alimentair­e, et que, comme toute denrée, elle a une valeur marchande. Il est préférable, selon moi, de donner une valeur à une denrée afin que nous soyons tous conscients qu’elle a un coût.» Certes, il ajoutait

« et qu’on prenne des mesures adaptées pour les franges de la population qui n’ont pas accès à cette eau ». « Des franges »… La bonne blague. Vingt ans après cette déclaratio­n, 2, 2 milliards de personnes connaissen­t la soif; au moins la moitié de la population mondiale vit dans des conditions de stress hydrique plus d’un mois par an. Il s’agit de « franges » sacrément longues. Durant la même période, la seule multinatio­nale Nestlé a engrangé plus de 150 milliards d’euros de bénéfices nets. Un chiffre à

comparer aux 114 milliards annuels qu’il faudrait invesstir pour garantir l’accès universel à l’eau potable, à l’assainisse­ment et à l’hygiène dans 140 pays à revenu faible ou intermédia­ire, selon L’ONU. La Terre n’est pas (encore) la planète

Dune de Frank Herbert. Ici, la « discipline de l’eau » pourrait se résumer en cette formule qui conclut le rapport de L’ONU : « Lorsqu’il s’agit de l’eau, partager est une façon de prendre soin. Il nous appartient donc de faire des choix. » Le choix, c’est cette solution « extrême », selon Peter Brabeck. L’eau, comme les autres biens communs et vitaux, n’est pas une marchandis­e.

2,2 milliards de personnes connaissen­t la soif: il faut en finir avec ce scandale planétaire.

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PAR STÉPHANE SAHUC

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