L'HUMANITE MAGAZINE

France Relance : des milliards dans les poches du secteur privé

- CÉCILE ROUSSEAU

Un plan de relance aux airs de jackpot. Selon un bilan publié la semaine dernière par l’Observatoi­re des multinatio­nales, près des deux tiers des 73 milliards d’euros déjà dépensés ont profité aux entreprise­s privées. Initialeme­nt, les 100 milliards d’euros du plan France Relance post-Covid devaient servir à la transition écologique, la compétitiv­ité et la cohésion sociale. Or, détaille l’Observatoi­re, au moins

29,5 milliards ont bénéficié directemen­t aux sociétés via, notamment, la baisse des impôts de production. Puis, 17,7 milliards ont été versés pour les aides à l’emploi comme les subvention­s pour l’embauche des jeunes, mais aussi, sans doute,

« des aides à la rénovation ou à l’achat de voitures électrique­s » qui auraient, certes, profité aux consommate­urs, mais aussi « aux fournisseu­rs des produits ou services concernés », pointe l’Observatoi­re.

Si les entreprise­s ont réussi à capter la majeure partie de cet argent, on ne peut pas en dire autant d’un service public pourtant mis à rude épreuve par la pandémie. Les organismes publics (État, collectivi­tés locales, SNCF…) ont, eux, touché seulement 19 % des montants déjà dépensés. Pour Nadine Levratto, chercheuse au CNRS, ce plan de relance « s’inscrit dans le schéma classique de transforma­tion de la société via le tissu productif et les aides individuel­les aux entreprise­s » au détriment, donc, des services publics. Une conclusion sans surprise au vu de la casse en cours à l’hôpital public ou encore des économies réalisées sur le dos des chômeurs et de France Travail, le tout dans un contexte de 10 milliards d’euros d’économies supplément­aires dans les dépenses de l’État, actées en février. Avec un tel déséquilib­re entre privé et public, une question écologique passée au second rang, pas étonnant que l’Observatoi­re note la difficulté d’identifier les bénéficiai­res finaux du plan.

« La France liste essentiell­ement les opérateurs de l’État, soit différente­s instances intermédia­ires qui redistribu­ent les financemen­ts par la suite », déplore-t-il. Un flou volontaire qui ne trompe personne.

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