Israël Dans l’ombre de « Bibi », le gouvernement de l’impossible
Une coalition improbable a mis un terme au règne politique de Benyamin Netanyahou. Mais la menace du Premier ministre sortant ne sera jamais loin.
Le « roi Bibi » ne pouvait pas quitter son trône sans un dernier avertissement lancé à ses ennemis – intérieurs comme extérieurs. « J’adresse un message à l’Iran et à son leader : l’opposition ne vous laissera pas tranquilles, a déclaré Benyamin Netanyahou depuis les bancs de la Knesset, le 13 juin. Nous allons faire tomber ce mauvais gouvernement [israélien] et nous serons alors de retour pour diriger le pays. A notre manière. » Tous sont prévenus : malgré sa chute après douze ans passés au pouvoir, ce « magicien » de la politique israélienne ne compte pas disparaître du paysage.
« Si ces dirigeants réussissent à s’entendre, leur union pourra panser nos plaies »
L’ombre de l’ancien Premier ministre s’étend déjà sur l’alliance improbable entre huit partis, allant de la gauche à l’extrême droite, qui l’a fait tomber. Son successeur et ancien protégé, Naftali Bennett, a assuré que son gouvernement serait « encore plus à droite » que le précédent. « Nous basculons dans l’inconnu le plus total, relève Liran Harsgor, chercheuse à l’université de Haïfa. Bennett a promis une politique dure, influencée par les colons et les religieux traditionnels, mais il va devoir se recentrer. Un chef de gouvernement israélien a des comptes à rendre à ses alliés, mais aussi aux Etats-Unis de Joe Biden. »
Netanyahou compte profiter des futurs blocages au sein de cette alliance fragile, qui partage seulement deux idées : faire tomber Bibi et ne pas prendre de décisions sur les sujets clivants, comme le dossier israélo-palestinien ou le statut de Jérusalem. « En Israël, nous avons l’habitude de mettre de côté les questions qui fâchent, regrette Liran Harsgor. Jusqu’à ce qu’elles nous explosent au visage… »
Les blessures de la société sont pourtant à vif après le conflit avec Gaza en mai et les émeutes qui ont secoué les villes « mixtes ». Dans ce contexte, le soutien d’un parti arabe au gouvernement – événement sans précédent – peut marquer une étape décisive. « Si ces dirigeants réussissent à s’entendre, leur union pourra commencer à panser nos plaies », espère Assaf Shapira, politologue à l’Israel Democracy Institute. Mais cette alliance avec un parti arabe offre aussi des munitions à Netanyahou, qui en profite déjà pour attaquer un gouvernement « collaborant avec l’ennemi ». Car Bibi est pressé : il veut incarner l’opposition et couper court à toute contestation au sein de sa propre formation. « Le Likoud reste le premier parti d’Israël et se montre fidèle à son chef, souligne Assaf Shapira. Netanyahou tient à s’en servir afin de revenir au pouvoir, seule solution pour le tirer de ses ennuis judiciaires. » Bibi doit en effet affronter les juges lors de trois procès pour corruption. Une condamnation signerait son véritable départ. Sans retour possible, cette fois.