GRIMPER À L’ÉCONOMIE, SE RELÂCHER
Il ne s’agit pas forcément de pingrerie, mais grimper à l’économie permet souvent d’aller plus haut et plus fort. Voilà un florilège de petites ruses permettant d’éviter toute dépense inutile. Pas encore de l’escalade en roue libre, mais on est sur la bonne voie…
Si, pour un Auvergnat, un sou est un sou, le souci principal pour un grimpeur voulant terminer une voie à la limite serait plutôt d’épargner ses avant-bras. Évidemment, la précision, la technique et la rapidité d’exécution sont à la base d’une escalade efficace. On peut même sans problème leur adjoindre la concentration et le relâchement dans l’effort, cher à François Legrand. Mais tout cela est encore fort incomplet si l’on oublie les quelques ruses pouvant transformer une position inconfortable en véritable havre de paix. Petite exagération certes, mais il est vrai qu’effectués de bonne manière, certains mouvements changent de figure, de quoi mettre un panneau « Soldes » devant bon nombre d’enchaînements. Attention toutefois, à trop vouloir en faire, on se retrouve vite à perdre du temps dans une section dure où il faudrait peut-être accélérer… La « chasse au gaspi » n’est pas une priorité mais un outil à utiliser à bon escient. Pour vous aider dans cette rude tâche, voici quelques positions clés et leurs domaines d’utilisation. À intégrer et à ressortir au bon moment, pour s’économiser et surtout pour pouvoir se dépenser encore plus dans le haut des voies.
1/ Le coincement de genou
L’arme fatale dès que le rocher présente des reliefs importants : dièdres, toits, colonnes, gros trous… Un coincement de genou bien fait permet de lâcher les deux mains, c’est-à-dire un repos total. Il en existe dans un grand nombre de voies, quel que soit le niveau. On en a vu en compétition, dans des voies dures, alors pourquoi ne pas y penser plus souvent. Un pied en appui (même à plat), suffit pour faire opposition avec le genou posé derrière un bon relief. À éviter en short, et il est vrai que si les bras se reposent, les abdos morflent. Une des ruses essentielles de l’escalade déversante sur colonnettes. À ne jamais oublier.
2/ Bras tendu
Pour délayer, c’est-à-dire reposer un peu un avant-bras, pendant que la main fait le plein de magnésie, il n’est pas vraiment nécessaire que le bras qui vous tient soit plié. Cela ne sert à rien et fatigue inutilement l’organisme. Bras tendu, jambes fléchies pour supporter un maximum de poids, en position d’attente, profitez-en pour souffler et pour étudier la suite des évènements ou pourquoi pas, recompter vos dégaines.
3/ Le double crochet
L e t a l o n a u b o rd d u to i t e s t u n e d e s g ra n d e s classiques depuis l’apparition de la EB Maestria, quelques siècles avant notre ère. Plus ou moins bien installé sur le talon, avec une main au bord du toit, le corps balançant négligemment au mépris du danger, voilà une belle image. Mais il y a mieux. D’accord, le corps n’ondule plus et c’est moins photogénique, mais cette ruse permet de tenir (voire même de se reposer) sur des prises bien plus petites en bord de toit. Choisis ton camp camarade… L’astuce est d’aller poser un deuxième crochet (talon ou pointe, selon la prise), assez loin dans le toit. Vos jambes forment ainsi un étau et vous portez moins de poids avec le bras, tout en étant stabilisé pour ne pas que la photo soit floue. C’est pas joli !?
4/ Verrouillage bras-genou
Pas hyper-économique, mais c’est toujours mieux que rien. Le verrouillage bras-genou est essentiellement utilisé pour mousquetonner sur une inversée, le pied haut. Le genou vient s’appuyer sur le coude, une bonne partie du poids est ainsi supportée par la jambe. Une légère aide mais aucun miracle à attendre…
5/ Crochet, contre-crochet
Le « CCC » est devenu incontournable dès que la paroi se redresse un peu trop. En effet, un triple C vous aide à garder les pieds sur le rocher sans pour cela vous tuer les abdos et ce, même si les prises de pieds ne sont pas terribles. Un pied en crochet qui tire l’autre qui appuie, vous exercez une action de placement permettant de valoriser les prises moyennes, même en plein toit. Excellent pour résister à un ballant de jeté, pour se stabiliser lors d’un mousquetonnage. Le tout est d’avoir au moins une prise inversée ou sortante où mettre le crochet. L’autre pied peut se contenter d’une petite prise. Hyperfréquent sur mur et dès qu’il y a des colonnettes.