Dimanche Ouest France (Vendee)

Cette imprimerie sarthoise a traversé les âges

100 ans, voire 200, selon la manière de compter ! Dans le monde de l’édition, Brodard & Taupin fait figure d’imprimeur historique. Une saga qui se poursuit à La Flèche.

- L’entreprise Une adaptation continue Yohann BOURGIN.

Comme toujours à pareille période de l’année, c’est avec une certaine appréhensi­on et même « un peu de fébrilité » que les salariés de Brodard & Taupin attendaien­t les résultats des prix littéraire­s de cette rentrée 2023.

La bonne nouvelle est finalement arrivée peu après 12 h, le mardi 7 novembre : l’imprimeur héritait à la fois de la réimpressi­on du prix Renaudot, Les Insolents (Calmann- Lévy) d’Ann Scott, dont elle a l’exclusivit­é, et d’une partie du prix Goncourt, Veiller sur elle ( L’Iconoclast­e), de Jean- Baptiste Andrea. « Un coup double », synonyme d’un surcroît d’activité bienvenu pour la société basée à La Flèche, dans la Sarthe, qui connaissai­t une petite période de creux depuis le début de l’année.

À peine quelques heures après l’annonce des résultats, les premiers exemplaire­s des ouvrages victorieux s’entassaien­t sur des palettes, prêts à être livrés dans tout l’Hexagone dans un délai record. Il faut dire que les livres à gros tirages, Brodard & Taupin en a vu beaucoup et en fait quasiment sa spécialité.

Imprimeur historique, l’entreprise fête ses 100 ans cette année et, selon la façon dont on compte, c’est même 200 bougies qu’elle pourrait souffler en 2024 ! « En fait, 1923 est l’année de l’union des ateliers de Paul Brodard et de Joseph Taupin, qui ont donné le nom de l’entreprise, indique Virginie Hamm- Boulard, son actuelle directrice. Mais si l’on remonte encore plus loin, aux origines, Paul-Auguste Brodard a lancé son activité d’imprimeur en 1824. »

À l’époque, la France a toujours un roi, Louis XVIII, et les techniques d’impression de l’atelier basé à Coulommier­s, dans la Seine- et- Marne, sont encore loin de permettre la cadence d’impression effrénée que l’entreprise connaîtra par la suite. Il faudra attendre le XXe siècle et la petipériod­es de turbulence, son effectif est stabilisé à 120 salariés pour une production de 33 à 35 millions de livres chaque année. Jusqu’à 380 personnes y travaillai­ent et plus de 65 millions de livres y étaient imprimés au plus fort de son activité, à la fin des années 1970.

Aujourd’hui encore, Brodard & Taupin continue d’investir dans l’avenir et s’est doté, l’année dernière, d’une nouvelle machine pour pouvoir produire des mangas, un marché encore et toujours en pleine expansion en France, deuxième pays du monde qui en consomme le plus après le Japon. « Pour le moment, cela ne représente qu’1,5 million d’exemplaire­s par an, mais c’est un chiffre qui est appelé àmonter ces prochaines années », souligne la directrice.

Enfin, la société a dû s’adapter à te révolution de l’impression offset, d’autres changement­s, davantage qui reste aujourd’hui encore le procésubis, ces derniers mois. Crise du dé profession­nel le plus utilisé, pour Covid, guerre en Ukraine, inflation… que Brodard & Taupin s’invite dans Les causes sont multiples mais ont tous les foyers français ou presque. eu le même résultat : la hausse du

Le test est bien simple : si vous avez prix des matières premières n’a pas des livres chez vous, feuilletez- en les épargné le secteur de l’édition. dernières pages à la recherche de « Pour le papier, on n’a pas été aussi « l’achevé d’imprimer » (ces quelques affecté que cela puisque 70 à 80 % lignes qui indiquent où l’ouvrage a de ce qu’on utilise nous est fourni été imprimé), il y a de fortes chances par les éditeurs, explique Virginie pour qu’au moins l’un d’entre eux sorHamm- Boulard. Par contre, la colle te des ateliers Brodard & Taupin, de a doublé de prix, l’encre a pris 30 % Coulommier­s, Paris ou La Flèche, où et notre facture d’électricit­é a été l’entreprise a déménagé en 1967. multipliée par 3,5 ! »

À son actif, on l’a dit, beaucoup de D’ailleurs, en ce mois de novembre, prix littéraire­s, mais aussi les Livres de une des rotatives de l’entreprise était poche dont Brodard & Taupin était à l’arrêt pour que d’importants tral’imprimeur quasi exclusif depuis ses vaux d’adaptation y soient opérés. débuts en 1953, l’intégralit­é des col« On est en train d’installer un systèlecti­ons cartonnées des bibliothèm­e qui permet d’imprimer sans ques verte et rose, et de très nomnécessi­ter de sécher l’encre par breux livres à succès, plus récents, infrarouge, et qui va donc nous percomme le Da Vinci code, la saga HarD’abord sous l’égide d’Hachette mettre de diminuer notre consomry Potter, les derniers GuillaumeM­us(de 1923 à 1998), Brodard & Taupin mation. Il sera prêt à rentrer en serviso, Ken Follett, ou encore des autoest passé il y a vingt- cinq ans sous le ce ce lundi », éclaire la directrice. Une biographie­s attendues comme les giron du groupe CPI France, qui posautre preuve que, même centenaire, mémoires de l’ancien président amésède deux autres imprimerie­s : Busvoire bicentenai­re, la longévité d’une ricain Barack Obama, celles du Prinsière, à Saint-Amand- Montrond, dans entreprise doit beaucoup à sa capacice Harry, l’année dernière, ou La Femrenouve­ler.leCher,etFirmin-Didot,àMesnil-sur-téàse me en moi, le livre de Britney Spears, l’Estrée, dans l’Eure. Après quelques

publié en octobre de cette année.

« C’est d’ailleurs un peu ce qui nous sauve, explique Virginie Hamm- Boulard. Aujourd’hui, les livres aussi sont souvent produits à l’étranger. Heureuseme­nt, une certaine forme de littératur­e surfe beaucoup sur l’actualité et les éditeurs veulent pouvoir livrer un grand nombre d’exemplaire­s en un temps très réduit, et sous haute confidenti­alité. Ce que l’on est capable de faire, c’est de répondre à ce double enjeu de secret et de rapidité. » Déchets mis sous scellés, salariés tenus au secret : tout est bon pour garder le mystère des dernières pages jusqu’au jour de la sortie nationale.

« 1923 est l’année de l’union des ateliers »

35 millions de livres par an

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| PHOTO : FRANCK DUBRAY / O.-F. Directrice de l’imprimerie Brodard & Taupin, à La Flèche, depuis 2018, Virginie Hamm-Boulard fête les 100 ans de l’entreprise cette année.
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Après quelques périodes de turbulence, l’effectif a été stabilisé à 120 salariés pour une production de 33 à 35 millions de livres chaque année.
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PHOTO FRANCK DUBRAY O.-F.

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