Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
Dans les poissonneries, ils partentà la pêche aux leurres
Grand angle. L’État a promis plus de contrôles des marchandises et de leur origine avec un renforcement des lois Egalim, y compris dans le milieu de la pêche. Ouest France a suivi un contrôle chez un poissonnier de Savenay.
Les étiquettes bleues flottent dans un océan de glace, au milieu des bars, des lieux noirs et des soles. L’annotation « Pavillon France » attire lui aussi les regards, tel un trois-mâts, au-dessus des tacauds aux yeux brillants. « C’est de la pêche française et locale. » Fidèle du rayon poissonnerie de l’Hyper U de Savenay, Marie-Hélène connaît par coeur les différents labels. Ça fait la différence pour la quinquagénaire. « C’est ma façon à moi de défendre nos agriculteurs, nos maraîchers et nos pêcheurs. »
Encore faut-il être sûr de la provenance des produits. Ce jeudi matin, une agente spécialisée de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) déambule dans « la criée » du supermarché avec un cahier et un stylo en main.
« Il ne faut pas tromper le consommateur »
La vérification des mentions de qualité et valorisantes, qui mettent la pêche française en valeur, est la première de ses missions. Le meilleur moyen de prendre en défaut les fraudeurs est de mener des contrôles inopinés. Près d’une centaine chaque année pour elle, dans l’ensemble de la filière pêche en Loire-Atlantique.
« Il ne faut pas tromper le consommateur. Et pour en être sûre, je peux demander tous les détails, notamment la traçabilité des bateaux, éclaire la fonctionnaire, qui préfère rester anonyme. La mention Pavillon France signifie que le bateau est français. » Elle a déjà eu de mauvaises surprises. « Cela arrive que le chalutier soit en réalité étranger… »
Elle ferre une première anomalie. « Parmi les mentions obligatoires dans les rayons, il y a d’abord la dénomination commerciale des poissons. » Problème : le nom « “merluchon” n’est plus autorisé depuis plusieurs années » pour vendre des merlus de petite taille.
Le directeur du magasin de Savenay plaide une erreur de la coopérative centrale. « Ce sont eux qui nous envoient les étiquettes. On fera
remonter le problème », promet Nicolas Jacques qui observe, au fil des années, « des demandes toujours plus précises sur l’étiquetage. Notre métier change à ce niveau. On n’a parfois pas assez de place pour écrire tout ce que la réglementation nous impose. »
« Tout doit être vérifiable », justifie l’agente spécialisée, qui navigue dans le milieu de la pêche depuis vingt ans. Le consommateur est de plus en plus sensible à la zone de pêche. « Comme aux engins de pêche utilisés. Les filets maillants sont plus respectueux des fonds marins que les chaluts de fond. Ça peut faire la différence pour les clients. »
Sur le mur, on ne peut manquer une affiche vantant l’arrivage des poissons directement de la criée de La Turballe ou du Croisic. « Mais il n’y a pas d’indication de date du jour d’arrivée de la marchandise. Ça me pose problème, car ça peut induire l’acheteur à penser que le poisson est pêché chaque jour. Il faut clarifier le message. » La responsable qualité de l’Hyper U prend note.
« Plus c’est local, plus ça plaît. Il y a une vraie prime à ces produits »
Ces mentions représentent un enjeu économique majeur pour les commerçants. Dans l’Hyper U, 20 000 clients achètent chaque mois des produits de la mer dans cet imposant rayon. « On vend 38 000 articles chaque mois. Ça représente 18 tonnes de marchandise », indique le directeur. « Les consommateurs sont très sensibles à la provenance. Plus c’est local, plus ça plaît. Il y a une vraie prime à ces produits », prolonge le patron, qui vante dans son magasin le savoir-faire des artisans de la presqu’île de Guérande.
« Sous ces mentions valorisantes, les produits se vendent mieux et plus chers »
« Et c’est vraiment là-dessus que nous devons être vigilants. Sous ces mentions valorisantes, les produits se vendent mieux et plus chers, appuie l’agente des services de l’État. Dans ce magasin, il n’y a pas de problème majeur. Quelques préconisations tout au plus. C’est bien tenu. » Comprendre que quelques fraudeurs se frayent dans les poissonneries.
Une affaire doit être transmise à la justice pour pratique commerciale douteuse, celle d’un capitaine de Loire-Atlantique qui a vendu sa pêche sous la mention flatteuse « Petit bateau », « qui induit une pêche artisanale dans une petite embarcation, confie l’agent. Or, le contrôle a révélé qu’il s’agissait en réalité de l’un des plus grands navires de pêche du département. »