Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
Wissam Ben Yedder : « Je n’abdique jamais »
Équipe de France. Auteur de sa meilleure saison, l’attaquant de Monaco reste un remplaçant en sélection. Il devrait avoir du temps de jeu et une carte à abattre demain en Croatie.
À 31 ans, Wissam Ben Yedder boucle sa saison la plus prolifique, avec 32 buts au compteur. Le buteur de l’AS Monaco est même le 6e joueur le plus décisif d’Europe (un but ou une passe toutes les 90 minutes). En France, seul Kylian Mbappé fait mieux. Des chiffres et une ascension qui contrastent avec son histoire en Bleus, où il reste en marge (5 titularisations et 3 buts en 18 sélections). De tout cela, et l’évolution de son jeu, il a parlé lors d’un entretien accordé cette semaine à Ouest-France.
Les stats, l’évolution de son jeu
Vous établissez votre meilleure saison, à 31 ans. Qu’est-ce que cela dit de vous-même ?
C’est une preuve de maturité. Il faut avoir des statistiques pour réussir en tant qu’attaquant. Je suis exigeant envers moi-même. Chaque jour, année après année, j’essaie de repousser mes limites. Et je sais que je peux encore faire plus.
Cela passe par une plus grande participation à la création du jeu ? Chaque match possède son scénario, et, parfois, les joueurs changent, on n’a pas les mêmes automatismes. Quand on est moins bien, c’est là où on doit créer quelque chose, et j’essaie d’y prendre ma part. Je veux progresser sur ce point car ça peut m’offrir un plus.
L’attaquant qui gagne le duel, c’est celui qui pense plus vite ? C’est celui qui n’hésite pas, qui est sûr de sa force. Il peut même rater sa prise de balle, mais le ballon revient sur lui et il enchaîne. Car il a confiance en lui, a déjà pris l’information sur son défenseur, le gardien. Il va alors tenter dans des situations anodines, qui peuvent sembler injouables.
C’est aussi une question d’instinct ?
Par le passé, j’étais un joueur instinctif. Aujourd’hui, je suis davantage dans l’anticipation. J’essaie d’être malin, de sentir où les ballons vont arriver. Pendant un match, il y a ce que j’appelle des « endroits morts » sur le terrain, dont il faut profiter pour ouvrir une brèche. Et on peut les utiliser sans le ballon, par un déplacement, un appel.
La perception extérieure
Il existe un contraste entre votre régularité au plus haut niveau et une médiatisation limitée. Vous devez toujours prouver ?
C’est vrai depuis que je suis tout petit. Je n’ai pas fait de centre de formation et j’ai toujours dû démontrer. Mais je ne le vis pas comme une obligation, ça ne m’obnubile pas. C’est aussi ce qui me permet de réussir, qui explique pourquoi j’arrive à me sortir de situations compliquées.
Elle traduit quoi de votre personnalité, cette capacité à rebondir ? Ça signifie que je n’ai pas de limites et que je travaille. Je suis résilient, je n’abdique jamais et je continue d’avancer. Car malgré les buts, malgré les stats, il y a aussi des moments difficiles. Je suis un joueur différent et je ne dois pas lâcher.
Cette saison, vous êtes le 6e joueur le plus décisif d’Europe. Mais on en parle peu…
C’est vrai (il esquisse un sourire). Ça peut être frustrant pour d’autres. Moi, je ne fais pas selon les considérations des gens. Je sais ce que je suis. Je dois le prouver à moi-même, mais pas aux autres. Je sais ce que je dois améliorer. Ce que j’ai réalisé, c’est bien, mais je ne peux pas m’y attarder car d’autres échéances arrivent.
Remplaçant en Bleus
Vous avez pris part aux 12 rassemblements depuis juin 2019. Vous vous sentez installé en équipe de France ?
Chaque liste est une remise en cause. C’est très bien d’être régulièrement appelé, ça prouve que je suis toujours là quand il faut. Maintenant, je dois faire plus.
Vous êtes toujours appelé, mais avez rarement eu votre chance. Comment vivez-vous cette situation ?
Il y a une concurrence, des joueurs de très haut niveau, dont certains sont là depuis pas mal de temps. Je suis patient, mais aussi bosseur. On voudrait vite que ça arrive, en sélection comme en club. Moi, j’essaie de tout faire et ça va venir. Je suis là pour m’élever chaque jour, atteindre les objectifs avec mes coéquipiers.
Cette permanence en sélection, cela prouve malgré tout que vous savez faire votre place dans un
groupe ?
Je suis constant, régulier et j’espère que ça va durer.
Le sélectionneur a évoqué votre nom, avec ceux de Nkunku et Diaby, parmi les joueurs qui auront du temps de jeu lors du rassemblement…
Il sera important, mais comme tous ceux que j’ai vécus dans le passé. Ce sont des matches importants. Je serai focalisé là-dessus.
Avez-vous le sentiment de jouer gros ce mois-ci en équipe de France ?
Non, pas du tout. En fait, je joue gros tous les jours. À chaque match, il y a une forte pression. C’est toujours intense, avec de forts enjeux. Je suis habitué à ça.
La France affrontera lors du Mondial au Qatar la Tunisie, votre pays d’origine. Ça sera un moment particulier ?
Je n’en suis pas là et on verra si j’y suis déjà ! Mais ça reste un match particulier. Dans la famille, il y a des gens un peu partagés, mais ça sera de bons moments à vivre.