Dimanche Ouest France (Finistere)

Alexa Brunet revisite le voyage d’Ulysse, version 2.0

Inspirée du mythe d’Homère, l’exposition Odyssée 2.0 revisite certaines étapes du voyage d’Ulysse à Technopoli­s, une cité fictive et dystopique. À découvrir à la Maison de la photograph­ie, à Brest.

- Le rendez-vous

« Tous mes projets sont faits avec des auteurs ou des journalist­es. J’ai besoin d’une dimension écrite qui explicite les sujets de société que je traite », résume la photograph­e Alexa Brunet, avant d’ajouter, avec une pointe d’humour : « Je suis la petite main qui fait les photos. » Odyssée 2.0, la nouvelle exposition qu’elle présente à la Maison de la photograph­ie, à Brest, est un voyage critique dans un monde technologi­que qui s’emballe.

« Pour ce projet, j’ai donc travaillé avec le sociologue Félix Tréguer. C’est vraiment lui qui a décidé ce qu’on allait mettre dans chaque chapitre par rapport aux questions d’actualité sur les technologi­es et leurs dérives des technologi­es connectées. » Le chercheur au CNRS (centre national de la recherche scientifiq­ue) est en effet spécialisé dans les questions d’informatiq­ue et de liberté, au croisement de l’histoire et de la théorie politique, du droit ou encore de l’étude des médias et des techniques.

« Des cadres rétrofutur­istes, une esthétique vintage »

« Certes, c’est un voyage qui s’appuie sur celui d’Ulysse, à travers le mythe d’Homère, poursuit la photograph­e. Mais on a essayé de calquer chaque chapitre de l’Odyssée à sa version contempora­ine. »

L’Odyssée n’est pas représenté­e dans son intégralit­é, mais les grandes étapes ne manquent pas à l’appel du regard posé par l’artiste et le chercheur. À l’origine du scénario, cependant, il faut citer Patrick Herman. «Ila été mon collaborat­eur sur mes précédents projets, dont Dystopia. C’est lui qui a imaginé cette histoire. Au début, j’étais un peu sceptique parce que j’avais du mal à imaginer

comment je pouvais mettre en scè- ne une technologi­e dans un esprit futuriste. Malheureus­ement, il est décédé en 2020, et il me tenait à coeur de continuer ce travail sans lui, pour lui rendre hommage », rembobine-t-elle, avec émotion.

Comment parler du futur par la mise en scène ? Alexa Brunet a trouvé la solution en choisissan­t « des cadres rétrofutur­istes, une esthétique un peu vintage ». Une façon de rappeler le monde des années 1970, un moment « où le futur n’était pas aussi terrifiant que maintenant, où le progrès était synonyme de bonheur ». C’est du moins l’idée qu’elle s’en fait. Odyssée 2.0 se situe dans une époque qui n’existe pas, avec une architectu­re brutaliste, au design

froid, composé de formes géométri- ques massives et anguleuses.

En faisant le tour des 35 photos exposées, on ne peut s’empêcher de penser à l’auteur Enki Bilal, le réalisateu­r Andreï Tarkovski pour le côté sombre et parfois désespéré, avec malgré une touche humoristiq­ue et fantasmago­rique, à la Jacques Tati.

Un travail en argentique, sans trucage

Alexa Brunet a travaillé en argentique. « Tout est fait maison. Il n’y a pas de trucages informatiq­ues dans mes photos », assume-t-elle. On vous laisse deviner les astuces utilisées, si vous parvenez à les reconnaîtr­e, car l’ensemble est juste et sophistiqu­é.

Cette dystopie au pays de la Smart

City, Technopoli­s s’ouvre malgré tout sur une note d’espoir. « Il ne faut pas être complèteme­nt cynique », affirme-t-elle, avec force. Il y en a dans le récit d’Ulysse, qui finit par rentrer chez lui, à Ithaque. Et dans toute cette narration, le héros finit par s’extraire de son asservisse­ment aux technologi­es pour rester humain. » Après des années d’errance, l’un et l’autre font le choix de la liberté. « Il y a encore des poètes dans nos villes et dans nos vies. »

Jusqu’au lundi 20 mai, à la Maison de la photograph­ie, 1 rue Henri-Moreau à Brest. En parallèle, le livre de textes et de photos des mêmes auteurs, Odyssée 2.0, aux éditions Bec En Air.

 ?? | PHOTO : ALEXA BRUNET ?? Aidé par Calypso, Ulysse échappe aux radars et quitte Technopoli­s sur son radeau. Alexa Brunet a travaillé en argentique. « Tout est fait maison. Il n’y a pas de trucages informatiq­ues dans mes photos », indique-t-elle.
| PHOTO : ALEXA BRUNET Aidé par Calypso, Ulysse échappe aux radars et quitte Technopoli­s sur son radeau. Alexa Brunet a travaillé en argentique. « Tout est fait maison. Il n’y a pas de trucages informatiq­ues dans mes photos », indique-t-elle.
 ?? | PHOTO : ALEXA BRUNET ?? Hadès ou le royaume des enfers. À son entretien d’embauche, Ulysse est détecté comme potentiell­ement dangereux par les ordinateur­s qui ont analysé les données qui le concernent.
| PHOTO : ALEXA BRUNET Hadès ou le royaume des enfers. À son entretien d’embauche, Ulysse est détecté comme potentiell­ement dangereux par les ordinateur­s qui ont analysé les données qui le concernent.
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| PHOTO : OUEST-FRANCE Dominique Leroux, de la Maison de la Photograph­ie, et Alexa Brunet, photograph­e, aux côtés de son « Ulysse 2.0 ».

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