Dimanche Ouest France (Finistere)
« Il y a encore beaucoup de choses sous l’eau »
La Société d’archéologie et de mémoire maritime met en valeur le patrimoine englouti du Finistère et du Morbihan. Son président décrit les différentes étapes qui mènent à une découverte sous-marine.
« Nous sommes des amateurs avec des compétences multiples », pose Philippe Bodénès, le président de la Société d’archéologie et de mémoire maritime (SAMM). L’association regroupe des plongeurs professionnels, des scientifiques, des historiens, des experts maritimes. Tous ont en commun « un passé ou des affinités avec la mer ».
Depuis trente ans, entre l’île de Groix et Kerlouan, les 26 experts bénévoles de la SAMM font découvrir et mettent en valeur le patrimoine archéologique englouti. « Nous sommes spécialisés dans la recherche et la détection en mer, poursuit Philippe Bodénès. Très peu d’équipes font cela en France. Entre Brest et Lorient, 4 500 épaves sont répertoriées. Notre site internet dispose d’une base de données riche de près de 18 000 fiches de naufrages. Le travail que l’on mène s’apparente à une enquête, réalisée dans le cadre du droit français. »
Tout part des archives
Les missions de la SAMM, partenaire entre autres du Parc naturel marin d’Iroise, sont minutieusement séquencées. Les bénévoles travaillent d’abord à partir d’archives. Elles proviennent du service historique de la Défense pour les recherches les plus anciennes. Pour ce qui est plus récent, la SAMM s’appuie sur les documents des Douanes, ou des Phares et balises.
Lorsque l’association a déniché les bons documents, vient le temps de leur transposition sur des cartes marines pour localiser l’épave. La SAMM demande ensuite au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) l’autorisation d’entreprendre des recherches sous-marines.
« Pour cette année, nous avions adressé cinq demandes, détaille
Nous avons obtenu cinq autorisations. » Elles concernent Groix, les Glénan, Lesconil, l’île de Sein et la chaussée de Sein.
Au printemps, la SAMM va ainsi faire des relevés en mer du côté des Glénan. « En lien avec l’échouage de la Vénus, frégate française, le 5 août 1781, et de la découverte de neuf de ses canons, nous avons proposé au DRASSM de cartographier la zone. Peut-être que l’on va trouver autre chose ! Il y a encore beaucoup de choses sous l’eau. Les collectivités locales s’intéressent de plus en plus au patrimoine maritime, c’est une bonne chose. »
Une fois en mer, la SAMM a aussi besoin de spécialistes, capables par exemple d’utiliser un magnétomètre.
Philippe Bodénès.
« Quand on a détecté quelque chose, là on envoie les plongeurs », décrit Philippe Bodénès.
À la recherche du bombardier anglais
Pas question de remonter quoi que ce soit du fond de la mer, c’est strictement interdit. « Dès que l’on trouve quelque chose, on fait des photos, des vidéos et un rapport d’observation. En 2022, on a découvert dans le raz de Sein la cloche du Frascati, un caboteur qui fit naufrage le 6 janvier 1876 entre la baie des Trépassés et Tévennec. »
La SAMM a été autorisée à remonter le précieux objet. Après traitement par le laboratoire Arc’Antique de Nantes, la cloche trouvera sa place au
musée de l’île de Sein. « On peut chercher pendant plusieurs années une épave, note Philippe Bodénès. C’est le cas de l’avion anglais HF 483. » Dans la nuit du 12 au 13 août 1943, le bombardier Wellington mène un raid sur la ville de Lorient, en compagnie de dix-neuf autres appareils du même type. Touché par la DCA (défense contre l’aviation) de Lorient, il se crashe en mer au large de Beg-Meil.
« Les pilotes sont enterrés au cimetière de Fouesnant, précise le président de la SAMM. Si un jour on retrouve l’hélice, un siège ou le moteur, ça fera du bruit ! »