Dimanche Ouest France (Finistere)
Et si on devenait ponctuel avec nous-mêmes ?
Psycho. La ponctualité est devenue compliquée dans une ère où tout va vite. Pourtant, en dehors de l’heure exacte à tenir, il existe une horloge plus juste et intime.
Thibault Sallenave, philosophe et auteur de Petit traité de la ponctualité, Éditions de l’Aube. 18 €.
Par les temps qui courent, n’a-t-on jamais autant couru après le temps ?
La course après le temps a pris une allure frénétique. L’accélération de nos rythmes de vie, la tyrannie de l’instantané, notamment générée par le numérique, ont renforcé ce besoin de rentabiliser, quantifier, d’être hyper réactif. Nous comptons nos pas quotidiens pour rester en bonne santé, nous remplissons nos agendas pour gérer nos vies amoureuses, familiales et professionnelles… Tout en étant incités à être flexibles pour nous adapter à une société du last minute. (de dernière minute). Bref, nous vivons en permanence dans le pressé du faire, la peur de perdre du temps, mais aussi d’en manquer et de rater quelque chose d’important.
La ponctualité devient-elle de plus en plus difficile ?
Disons qu’elle demande des arbitrages constants pour être à l’heure ! Le temps social nous demande de répondre toujours présent, d’anticipersonne per. C’est une sacrée acrobatie de tout combiner.
D’où les retardataires chroniques… Que l’on regarde d’ailleurs avec plus de sympathie que ceux qui sont ponctuels ! Comme si le retardataire est excusable parce qu’il est forcément débordé, hyper sollicité, populaire, attendu partout et par tous. Celui qui est à l’heure, voire en avance, donne davantage l’image d’une qui n’aurait pas grand-chose à faire ou serait très angoissé. Pourtant, c’est précieux de savoir attendre sans faire attendre.
Vous revendiquez l’apprentissage de l’heure juste. Pourquoi ?
Au-delà du respect de l’heure exacte, fondement de la ponctualité et incontournable dans une vie en société, j’appelle à retrouver cette heure juste qui est une adéquation avec le temps du soi. Les bienfaits d’être ponctuel avec soi-même sont immenses. Il ne s’agit pas d’une forme d’égoïsme car le temps est créateur lorsqu’il s’ouvre aux autres. Mais d’une temporalité différente et intime, d’un rapport moins anxieux avec la montre. Par exemple, s’attarder sur des paysages à admirer. Eux sont toujours là, à nous attendre. C’est retarder un rendezvous parce que vous êtes avec un ami qui a besoin de votre écoute un peu plus longtemps. Voir le temps comme une expérience à vivre, un partage plus qu’un métronome à respecter. Il y a plein de situations impossibles à programmer à l’avance, alors autant saisir le plaisir de l’inattendu dans le grand compte à rebours de la vie.