Dimanche Ouest France (Finistere)

La beauté du geste du peintre-handballeu­r

Jean-Pierre Igoulen a été joueur et entraîneur de haut niveau au handball. C’est aussi un peintre abstrait de talent. Rencontre dans son atelier à Quimper.

- Jean-Marc PINSON.

La démarche sportive, jean bleu délavé, baskets blanches et pull émeraude, Jean-Paul Igoulen, 70 ans, a la poignée de main ferme. Il nous accueille rue du Frout, à Quimper, dans le bien nommé restaurant Couleurs. Sur les murs, des peintures, avec des aplats de rouge, bleu, une touche de rose, des couleurs de ciel et de terre. Des paysages abstraits qui ne sont pas sans rappeler les toiles de Nicolas de Staël et de Zao Wou Ki. « Je n’utilise pas le même médium que de Staël, je fonctionne à l’acrylique pas à l’huile. » Si la référence saute aux yeux, cela flatte le peintre et le gêne quelque peu. « Les gens ont besoin de se raccrocher à quelqu’un, quelque chose. »

Dans certaines de ses toiles, de la figuration refait surface, comme ces coques de bateaux prises dans un halo de lumière jaune et or. Comme un certain Turner. En évoquant le peintre anglais (1775-1851), on touche dans le mille. Le peintre plisse les yeux : « Quand on voit ce qu’il a fait… », lâche-t-il, admiratif.

Quimper, une évidence

Jean-Pierre, bien conscient des références, n’est pas du genre à dire qu’il a inventé le fil à couper l’acrylique et cite volontiers Alfred de Musset : «Il faut être ignorant comme un maître d’école pour se flatter de dire une seule parole que personne ici-bas n’ait pas pu dire avant vous. »

Quand il parle, ses mots ont la couleur du sud. Normal. Né à Mascara en Algérie, il déboule à Nîmes avec sa famille à l’âge de 10 ans. Passionné de sport, il en fera son métier. En tant qu’enseignant. Il joue au hand aussi, a occupé les postes d’ailier, arrière gauche, demi-centre. Ancien joueur de D1 à Nîmes, il sera entraîneur-adjoint de 1989 à 1992 du club du Gard, remportant trois titres de champion de France.

La Bretagne ? Il la découvre en vacances. « Hasard, providence, appelez ça comme vous voulez… » Il s’installe à Concarneau. L’ancien professeur de sport, qui a été aussi prof d’arts plastiques, expose au PousseCail­loux

dans la Ville Bleue. Le hand n’est pas loin, Jean-Pierre est entraî- neur du HB Sud 29.

Le Breton d’adoption devait partir au Québec, toujours pour suivre sa passion, mais une opération de la hanche l’en empêchera. Un corps mis à rude épreuve pour ce fana de motocross, spéléo… « Pour moi, c’était une évidence de retourner ici, à Quimper. » C’est dans la rue piétonne du Frout, à Quimper, qu’il va faire son nid, au fond du jardin de Gilles Mevellec qui abrite également un restaurant de cuisine du monde. Dans son atelier, un poêle à bois, un air de jazz, une odeur de café noir. Des tubes de peintures, une toile blanche à plat, une autre en cours, droite comme un « i » sur son chevalet.

Peinture-action

Une brosse, une spatule souple, un riflard, un peigne, l’artiste prend les outils qui lui tendent les bras comme bon lui semble. « Je tâtonne, je cherche, dit-il avec sa pointe d’accent du sud, parfois je prends le chemin qui me paraît le mieux. Je cherche à me faire plaisir, c’est tout. Je suis loin du cliché de l’ancien prof de sports, monsieur Muscle. Mais je n’ai aucune prétention intellectu­elle, je suis un besogneux, un contemplat­if. Je ne cherche pas à créer un mouvement artistique, ce que j’aime, c’est mettre la main dans la peinture. »

Sur la toile, la matière est généreuse. Comme le peintre. On sent et on suit le geste du peintre sur la toile, comme les artistes américains d’après-guerre et ce que l’on a nommé la peinture-action.

Tiens, tiens, Jean-Pierre Igoulen serait-il un adepte d’une peinture sportive ? « Comme dans le sport, il y a un engagement, on peut faire un parallèle dans la recherche de la perfection, la beauté du geste. Dans la peinture, c’est une confrontat­ion avec soi-même, on est absorbé, absent du monde. »

Le peintre n’encourage pas le visiteur à se creuser la tête pour trouver

« une significat­ion ». Peut-être, de façon « inconscien­te, y voir la notion du temps qui passe, avec la patine et surtout donner envie de rentrer dans la peinture ». Quand il n’est pas dans son atelier du Frout, le peintre est face à l’océan. « Je marche, je peux regarder des heures la mer. C’est Baudelaire qui disait : « La mer est ton miroir, tu contemples ton âme dans le déroulemen­t infini de sa lame. »

Quand la peinture ne le happe pas, il retourne au ballon de hand. Et il entraîne toujours, mais cette fois les moins de 13 ans, à Briec.

À voir à l’Atlmier 13, 13, rue du Frout, à Quimper. Site : jean-pierreigou­len.com

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| PHOTO : OUEST-FRANCE Jean-Pierre Igoulen dans son atelier quimpérois.
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| PHOTO : JP IGOULEN « Vagabondag­e », une toile colorée et structurée comme une vue aérienne de plantation­s sous le soleil du Midi.
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| PHOTO : JP IGOULEN « Variation en écoutant Kotaro Fukuma ».

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