Dimanche Ouest France (Finistere)
L’écrivain Jean-Luc Coatalem, du Mékong à Morgat
Son dernier ouvrage Une chambre à l’hôtel Mékong nous embarque à… Paris, au musée Guimet. Rencontre avec le Brestois Jean-Luc Coatalem, grand voyageur attaché à la presqu’île de Crozon.
Le nom de la collection Ma nuit au musée, aux éditions Stock, veut tout dire. Un(e) écrivain(e) passe une nuit dans un musée de son choix, en immersion, et raconte : l’atmosphère, les pièces de musée, l’histoire, son ressenti.
Jean-Luc Coatalem, 64 ans, a installé son lit de camp, sans fermer l’oeil, en terres muséographiques connues. « Autrefois mon grand-père y venait le week-end, cherchant à diluer sa mélancolie entre les bouddhas en grès, les dragons ailés et les panoplies des samouraïs. Pour moi, l’établissement restait une adresse à part. Une arche, où les trésors de Chine, d’Indochine, d’Inde du sud, du Tibet, du Japon ou d’Afghanistan attendaient le visiteur. »
Cela tombait à pic pour le journaliste (23 ans au magazine Géo) et écrivain, originaire de notre far-west breton, le Finistère, pourtant attiré vers l’Est. « Je l’ai vécue comme une nuit au coeur du monde, une expérience originale. »
Polynésie, Madagascar
Issu d’une famille d’officiers, JeanLuc Coatalem a passé son enfance en Polynésie et son adolescence à Madagascar. « Nous avons rebondi de garnison en garnison, de mutation en mutation. Ma cellule familiale était le seul terrain connu. Cela relative les choses, on sait que rien ne dure. Que deux ans plus tard nous serons ailleurs. Jeune, c’est un peu difficile quand on sait que les copains on ne les reverra plus et pour la petite amoureuse… » JeanLuc Coatalem se trouve « dans un
ailleurs perpétuel ». Cet ailleurs, il le trouvera dans le métier de journaliste. En reportage. « Le lundi matin, à Géo, en réunion, le rédacteur en chef me dit : “T’as une petite mine, tu as mal dormi ?” Je réponds : “J’arrive de Hong Kong”. À la rédaction, ils savaient que j’étais toujours volontaire pour un sujet en Asie. Journaliste, c’est quand même un métier formidable, c’est le métier de Tintin, même s’il a peu publié ! On a l’impression que le monde est à nous, on le traverse. »
Le romancier aussi à la bougeotte. Il traque Gauguin (Je suis dans les mers du sud) et Ségalen (Mes pas vont ailleurs), mêle polar et poésie à Ouessant (Fortune de mer), passe
par l’Argentine (Il faut se quitter déjà).
« Pour un article, il y a des contraintes de temps, d’espace, de nombre de signes, le rédacteur en chef peut demander un début plus punchy,
une fin plus claire. Dans la littérature, je suis seul maître à bord. »
Avec discipline. Le même rituel d’écriture, tôt le matin « sur mon petit bureau du sixième étage, à Paris, sous les toits, cela demande abnégation et obstination ».
Quand il le peut, Jean-Luc Coatalem retourne à Morgat, dans la maison familiale. « Un vieux penty du XVIIIe siècle, sans chauffage. Je suis très attaché à cette maison. Et la presqu’île de Crozon ! La plage de La Palue, Lostmarc’h. Tout est lié à l’histoire personnelle, mes parents se sont rencontrés là, mon oncle a rejoint les Forces Françaises Libres en embarquant à Morgat… »
La magie brestoise
L’infatigable voyageur apprécie Brest : « Je ne sais pas pourquoi. La lumière ? L’architecture ? Il y a une magie à Brest… » Quant à Quimper,
« j’aime beaucoup mais c’est éteint, triste, d’ailleurs je prends toujours le train à Brest… »
Autre lieu finistérien qu’il affectionne : Huelgoat, là où s’est éteint son
alter ego d’une autre époque, Victor Segalen, en 1919. Toujours en mouvement, en quête d’ailleurs, « j’ai de perpétuelles fourmis dans les jambes ». Son pays de coeur ? « L’Italie, ses paysages, son art, sa bouffe ! »
Les séjours les plus marquants ?
« L’Antarctique sur un brise-glace, le paysage change tout le temps, on est dans l’instabilité du réel, c’est troublant, quasi métaphysique..» Et la Corée du Nord : « Avec un matraquage inquiétant, les portraits des dictateurs, les chants patriotiques qui sortent des haut-parleurs. »
Un pays dont il n’a pas foulé le sol ?
« Le Japon ! Mais j’irais ! ». Et si cet étonnant voyageur aux semelles de vent devait se retrouver seul sur une île, quel livre emporterait-il ? « Un manuel de survie », dit-il en rigolant. Puis, plus sérieux : « Six ans sur une île déserte de Tom Neal, naufragé volontaire sur l’île de Suvarof dans un archipel de Polynésie. »
Jean-Luc Coatalem, Une chambre à l’Hôtel Mékong, Stock, 195 pages, 18,90 €