Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Sidse Babett Knudsen, actrice sans frontière

Cinéma. Révélée par la série Borgen, couronnée d’un César pour L’Hermine et inoubliabl­e Irène Frachon dans La Fille de Brest, la Danoise impression­ne en gardienne de prison dans Sons.

- Thierry CHÈZE.

Elle nous appelle depuis le Maroc où elle tourne 13 jours, 13 nuits de Martin Bourboulon, récit de l’évacuation de l’Ambassade de France, à Kaboul (Afghanista­n), en 2021, après le retour des Talibans. En septembre, on la retrouvera en compagne de l’avocat campé par Daniel Auteuil dans Le Fil, qu’il a lui-même réalisé. Et depuis mercredi, elle est à l’affiche de Sons, de Gustav Möller (The Guilty) où elle impression­ne en gardienne de prison, tout en calme et mesure, qui va soudain vriller à l’arrivée d’un détenu faisant remonter à la surface une tragédie personnell­e impossible à cicatriser.

Maroc, France, Danemark (son pays natal), Sidse Babett Knudsen, l’interprète de la série politique Borgen, est sur tous les fronts, à l’aise dans tous les registres comme dans toutes les langues. Et le tout avec un bonheur à accomplir son métier qui se ressent dès l’entame de notre échange. Comme si cette fille d’un photograph­e et d’une enseignant­e profitait de chaque seconde de son rêve d’enfant réalisé.

Car c’est à 8 ans que son envie de devenir comédienne a vu le jour… Au coeur de la Tanzanie où elle a passé son enfance. « À la maison, la télévision était proscrite. Donc aller voir un film en salles était un événement extraordin­aire. » C’est là qu’elle tombe amoureuse d’actrices comme Elizabeth Taylor et Marilyn Monroe… mais avec déjà une sacrée maturité chevillée au corps. « Je m’étais documentée sur elles, leurs carrières mais aussi leurs vies. Et à 8 ans, je m’étais déjà fixé les règles pour ne pas avoir le même destin si je réussissai­s à devenir comédienne : ne pas trop boire, faire attention à mes fréquentat­ions… » lance-t- elle dans un éclat de rire.

Ses débuts en France

Elle parle évidemment de cette envie à ses parents, mais en découvrant que la plupart des filles de son âge ont le même rêve qu’elle, tout ceci lui apparaît furieuseme­nt banal et l’envie s’éteint peu à peu…

Jusqu’à ce que la France ne redonne vie à ce volcan simplement endormi. Venue à Paris comme jeune fille au pair à 18 ans, elle décide de passer plusieurs concours d’écoles de théâtre, alors qu’elle ne parle pas encore notre langue. Elle intègre celle, prestigieu­se, de Jacques Lecoq qui a vu passer avant elle Ariane Mnouchkine, Yolande Moreau ou Geoffrey Rush. Dans la foulée, la future actrice fait ses premiers pas devant une caméra, lors de courts réalisés par des étudiants de la Fémis. Et elle tournera même son premier long métrage sur notre sol : Thérapie russe, d’Éric Véniard en 1997.

La suite, sa montée en puissance, se fera évidemment dans son pays natal dans After The Wedding aux côtés de Mads Mikkelsen, puis en devenant la Première ministre de Borgen. Elle qui a longtemps refusé ne serait- ce même qu’auditionne­r pour des séries. « Je me faisais une idée assez snob de ce métier, je n’avais pas envie de me retrouver dans la salle à manger des gens. Heureuseme­nt, mon entourage a su me prouver que j’avais tort, en m’initiant aux meilleures séries. Et je suis tombée accro de À la Maison- Blanche… trois jours avant qu’on me propose Borgen. » On appelle ça le clin d’oeil du destin.

Destin qui va lui permettre aussi de revenir en France. Car c’est en tombant sous le charme de Borgen que Christian Vincent décide de l’engager dans L’Hermine. « Dans cette série, je la trouvais à la fois sexy et virile, déclarait-il alors. Elle me faisait penser aux héroïnes des films de John Ford. »

« Une Danoise pour camper une Bretonne ? »

Son personnage de jurée de cour d’assises lui vaudra le César du second rôle en 2016. L’année où Emmanuelle Bercot, elle-même fan de Borgen, lui propose d’incarner Irène Frachon, la lanceuse d’alerte contre le Médiator. « Quand j’ai su qu’Emmanuelle venait me voir à Copenhague, j’étais gênée car certaine qu’elle m’avait confondue avec quelqu’un. Une Danoise pour camper cette Bretonne ? Je ne voyais pas comment c’était possible. Mais quand j’ai vu que ça ne lui posait aucun problème, j’ai décidé de ne pas m’en créer et de faire, moi aussi, comme si c’était naturel. »

Le résultat fut, une fois encore, impression­nant. Notamment comme l’explique Daniel Auteuil parce qu’« elle a ce talent rare à raconter énormément en peu de scènes et d’y apporter ce que les grands acteurs apportent : une part d’humanité gigantesqu­e et une manière de toujours surprendre. »

Et puis parfois, elle se surprend aussi elle-même comme lorsqu’elle se décide de prendre son téléphone et d’appeler Gustav Möller. « Son The Guilty m’avait scotchée à mon fauteuil. Je mourrais d’envie de travailler avec lui. Et pour la première fois de ma vie, j’ai osé. » Et après une première idée de film vite abandonnée, elle deviendra donc son héroïne de Sons, présente dans tous les plans. Et de nouveau, c’est elle qui nous scotche à nos fauteuils !

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| PHOTO : ARCHIVES IDA GULDBAEK ARENTSEN, EPA-EFE Sidse Babett Knudsen à Copenhague, au Danemark, le 6 septembre 2023.

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