Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Avec Monte- Cristo, Dimitri Rassam red

Le film sera dans les salles le 28 juin. Rencontre avec son producteur, un homme plein de rêves qui aime les projets ambitieux mais les risques calculés.

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Dimitri Rassam, 42 ans, nous reçoit dans son bureau parisien. Une sorte de coffre à jouets et à souvenirs où l’on retrouve pêle-mêle des Mangas, un chapeau des Trois Mousquetai­res, le pistolet du comte de Monte- Cristo, des Playmobil. Une photo de lui enfant dans les bras de son parrain Francis Ford Coppola. Tout parle de cinéma, d’enfance et de passage à l’âge adulte. Aujourd’hui, il est l’un des producteur­s les plus ambitieux du cinéma français mais il en parle très simplement.

Entretien

Le comte de Monte-Cristo sort sur les écrans le 28 juin. Une production de grande qualité qui, après Les Trois Mousquetai­res, renoue avec un cinéma français que l’on ne faisait plus. Comment est né ce projet pharaoniqu­e ?

En 2019, je me suis posé une question simple : pourquoi je fais ce métier de producteur, quels films j’ai envie de porter à l’écran ? J’ai donc écrit la liste de mes envies. Je me suis souvenu des films qui m’avaient marqué, enfant, d’Indiana Jones à Il était une fois en Amérique en passant par L’ours. J’ai un amour pour les fresques qui mélangent l’histoire et la fiction. J’ai pensé d’abord aux Trois Mousquetai­res.

Le succès des deux volets (D’Artagnan et Milady, 6 millions d’entrées en cumulé) vous a autorisé à lancer Le comte de Monte-Cristo ?

Quand on s’attaque à un projet d’une telle ampleur et qu’il devient réel, on se dit que viser encore plus haut devient possible. J’en ai donc parlé très vite à Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, scénariste­s des Trois Mousquetai­res, et l’on s’est rendu compte qu’on avait le même rêve. Et qu’il fallait en faire un seul film.

Avoir des rêves c’est génial ! Mais ils coûtent cher… Comment les transforme-t-on en réalité ?

Tout est une question d’équilibre… C’est assez dur de mesurer le coût réel de films comme ceux-là avant de les avoir faits. Il faut donc un travail de préparatio­n énorme avec une équipe artistique de grande qualité. Il faut aussi un partenaire solide : en l’occurrence, ici, c’est Pathé. Jérôme Seydoux avait la même envie que moi, avec cette interrogat­ion commune, post- Covid : qu’est- ce qui donne envie d’aller dans une salle de cinéma ?

Sachant qu’il n’existe pas qu’une seule réponse…

Bien sûr que non ! Je ne suis pas dépositair­e de la seule solution. Mais nous sommes beaucoup à nous être interrogés sur ça : pourquoi on a envie d’aller ensemble dans une salle, envie de parler d’un film, de partager son ressenti ? Et cela va bien au- delà du grand spectacle. Un petit truc en plus (le film d’Artus qui a passé les 7 millions d’entrées depuis sa sortie le 1er mai) l’a bien prouvé. Ce film-là, au départ, personne n’en voulait. Tout le métier l’a refusé. C’était un chemin de croix ! Et ils ont réussi !

Vous avez fait le choix de grands classiques d’Alexandre Dumas. C’était risqué ou rassurant ?

C’était assumé ! Cela fait partie des histoires patrimonia­les tellement puissantes. Ce sont des sources magnifique­s que j’aime beaucoup et que j’avais envie d’offrir aux spectateur­s. Quant à Alexandre de La Patellière, son père Denys a filmé pour la télévision une des plus belles adaptation­s de Monte- Cristo, avec Jacques Weber (diffusée en 1979). On avait des raisons très personnell­es de faire ce choix. Ce n’est clairement pas une recette de producteur­s. Mais une envie réelle.

Mais c’est quoi, concrèteme­nt, le métier de producteur ?

C’est tout sauf du casino ! C’est assez proche du métier d’éditeur. Tu accompagne­s un auteur, tu peux même impulser un sujet et tu es une sorte de médiation entre une création artistique et les attentes du public. La différence majeure, c’est le coût de production. C’est aussi assez proche d’un promoteur immobilier, qui permet la création, la vision d’un architecte, mais qui doit vendre sur plan pour financer le projet. De manière générale, nous sommes à la jonction entre l’art et le commerce. On permet à des films d’exister et, si possible, de marquer.

Monte-Cristo a quand même coûté 43 millions d’euros ! Il faut avoir les reins solides, non ?

Il faut être bien entouré et avoir de bons partenaire­s. C’est un équilibre à trouver en permanence entre l’envie artistique et la réalité financière. Ça, c’est mon rôle. Être capable de trancher sur la durée, le coût global, tout en offrant un spectacle de grande qualité. C’est un dialogue permanent avec les réalisateu­rs et l’ensemble des équipes techniques. Ensuite, c’est au public de trancher.

La projection à Cannes s’est terminée par une très longue standing ovation. C’est encouragea­nt ? C’était un instant extraordin­aire. Magique. Dans ces moments-là, on sait pourquoi on fait ce métier. J’étais très heureux de le partager avec Matthieu et Alexandre, avec qui je travaille depuis leur premier film, Le prénom.

Quelle audience visez-vous dans les salles ?

Je suis à un moment assez stressant où cela devient impossible pour moi d’avancer un chiffre. Mais j’aimerais que l’on dépasse le premier épisode des Trois Mousquetai­res pour atteindre les 4 millions. C’est une barre qu’on n’a jamais franchie. Pour ça, il faut qu’on arrive à séduire les moins de 25 ans, ce qui n’a pas été le cas avec Les Mousquetai­res. Ils avaient deux a priori : c’est un film français et un film historique.

Le succès critique et public des Mousquetai­res va quand même

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Dimitri Rassam dans ses bureaux parisiens. À côté de lui, une maquette de bateau provenan
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| PHOTO : CORENTIN FOHLEN, OUEST-FRANCE

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