Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« On fabrique les fumeurs de demain »
Le phénomène des puff vous inquiète-t-il ?
Oui, car la consommation explose : elle se répand comme une traînée de poudre auprès des jeunes, voire très jeunes. On est en train de faire entrer des enfants, de très jeunes adolescents, dans l’addiction. Je suis très inquiet, car on peut parler de naissance d’un marché. Il y avait d’abord la cigarette électronique aux 300 bouffées, puis 1 800 et maintenant 5 000 ! Si certaines de ces cigarettes électroniques ludiques sont à 0 % de nicotine, d’autres en contiennent jusqu’à 2 %. Il existe un vrai risque d’addiction car 600 puffs, et 2 % de nicotine, c’est l’équivalent de deux paquets de cigarettes en termes de nicotine, assez pour rendre dépendant. C’est une porte d’entrée vers le tabagisme ! J’en veux terriblement aux industriels qui profitent de la crédulité de ces jeunes enfants.
Pourtant, le marketing est clairement destiné aux très jeunes consommateurs… Les industriels ont créé un produit qui va générer de la dépendance chez les jeunes. Oui, le marketing leur est clairement destiné. La variété des parfums proposés, comme banane givrée ou marshmallow, la publicité sur les réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram, montrent clairement qu’on ne vise pas des quinquagénaires ! Pire, ils en proposent même au goût d’alcool, type mojito. On « fabrique » clairement les fumeurs de demain.
Hormis la dépendance, que faut-il craindre pour ces jeunes consommateurs ?
Le passage à la cigarette ! Tout est mis en oeuvre pour générer une dépendance. Ces jeunes grandissent avec la puff, puis passeront à la cigarette, c’est inévitable. C’est en quelque sorte une fidélisation précoce de ces jeunes à la nicotine. Sans compter les effets que ce produit peut engendrer sur leur santé, avec un risque accru d’inflammation des voies respiratoires, et sur le développement de leur cerveau.
Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?
Les pouvoirs publics doivent prendre des mesures pour freiner ce phénomène. Aux États-Unis, certains États interdisent la cigarette électronique à usage unique. Peut-être que la France pourrait s’en inspirer. Également, tout comme la cigarette, les acteurs de cette filière (industriels, revendeurs…) ne devraient pas promouvoir la puff sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, il est urgent d’agir pour éviter que les 14-16 ans ne basculent dans le tabagisme demain. Il faut aussi que les parents soient plus attentifs à cette cigarette électronique d’un nouveau genre. Ce n’est pas un gros crayon ou un bonbon, mais bien une machine à nicotine !